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Le processus d’adoption du budget 2016 à Prévost va certainement passer à l’histoire : entre le suspense de ce que serait le taux de taxation, les contestations véhémentes des conseillers indépendants et les débats houleux entre les membres du Conseil, tous les ingrédients étaient réunis pour déclencher une mini-saga… et engendrer un vrai casse-tête pour les citoyens et les journalistes.
L’origine
Durant les mois précédant l’adoption du budget, les membres du Conseil s’étaient réunis pour discuter revenus, dépenses et taux de taxation. Ils avaient décidé de maintenir le taux de base à 68 ¢ (le taux de base de 2015 était aussi de 68 ¢). Mais voilà que le conseiller Brunet, lors de la séance d’adoption du budget du 21 décembre, a proposé de diminuer ce taux de trois sous le faisant passer de 68 ¢ à 65 ¢.
La proposition de M. Brunet a été soumise au vote et, puisque le nombre de votes était égal de part et d’autre1, c’est le maire qui a dû trancher. M. Richer a voté en faveur de la proposition fixant le taux de base du budget à 65 ¢. Cet amendement a eu pour conséquence de déséquilibrer le budget : les revenus étaient dorénavant calculés à partir du taux de base de 65 ¢, mais les dépenses, elles, étaient toujours calculées à un taux de base de 68 ¢2. Une autre rencontre sur le budget devait donc être prévue pour analyser la situation et rééquilibrer les revenus et les dépenses.
À la suite du vote fixant le taux de taxation de base à 65 ¢, M. Brunet et M. Richer ont proposé d’amender le Règlement #691 – Taxation 2016 pour fixer dans ce document3 la taxe à 65 ¢. Les conseillers indépendants ont demandé un ajournement de quelques minutes pour discuter de cette proposition. À leur retour, il a été décidé à 5 (tous les conseillers indépendants) contre 2 (M. Richer et Brunet) de conserver le taux de taxation à 68 ¢ dans le règlement de taxation.
Gilbert Brunet explique
Le conseiller Gilbert Brunet a expliqué au Journal les raisons qui l’ont motivé à proposer de diminuer le taux à 65 ¢. D’abord, il a précisé qu’il a préféré attendre le 21 décembre pour faire cette proposition parce qu’il voulait « dénoncer le bulldozer des cinq conseillers indépendants ». Autrement dit, il voulait que le public sache qu’il voulait baisser le taux de taxes avant que les conseillers indépendants ne « tuent la proposition dans l’œuf » durant leurs réunions à l’interne.
D’autre part, pour proposer la baisse de taxes, M. Brunet a, entre autres, pris en considération le fait que le nouveau rôle d’évaluation augmentera la valeur des propriétés de Prévost en moyenne de 4,41 %; que, selon lui, la hausse maximale des taxes ne devrait pas dépasser les 1,95 % de l’inflation; et que, si le taux de base reste à 68¢, 32 % des contribuables de Prévost seront « frappés » par des hausses allant de 150 $ à plus de 700 $ par année. Il a ajouté : « Bien sûr que le taux de 65¢ diminue les revenus. De 385 000 $ précisément, tel qu’écrit dans la proposition d’amendement. Qui précisait, en outre, que cette somme devait être “identifiée par les membres du Conseil ces prochains jours”. […] La dernière phrase de ma proposition donnait le résultat de l’opération : plutôt que 32 % de ménages surtaxés, le total passait à 14 %. C’est-à-dire 837 ménages au lieu des 1864 découlant de la taxe à 68 ¢. Il me semble que cela valait la peine de s’y attarder. Ce que la majorité du Conseil a carrément refusé. Dommage pour nos contribuables! »
« Proposition irresponsable »
Selon Joël Badertscher, ce changement du taux de taxation n’avait jamais été discuté auparavant durant les discussions du Conseil sur le budget. M. Badertscher se demande si cette proposition de M. Brunet (qui est le seul conseiller qui est toujours allié au parti du maire Richer) n’était pas en fait une manœuvre politique. M. Badertscher fait l’hypothèse que M. Brunet et M. Richer anticipaient que les cinq conseillers indépendants voteraient contre la proposition de diminuer le taux de taxe et qu’ils auraient ensuite le beau rôle de dire qu’ils voulaient baisser les taxes, mais que leur proposition avait été rejetée.
Le conseiller Badertscher qualifie cette proposition d’improvisée et d’irresponsable. Selon lui, non seulement les revenus de la Ville ont diminué dans les dernières années à cause des coupes dans les transferts gouvernementaux et la diminution des droits de mutation, mais une baisse du taux de base entraînerait une baisse de revenus de l’ordre d’environ 390 000 $. Cette diminution entraîne donc nécessairement une diminution de dépenses, selon le principe de budget équilibré. Or, M. Badertscher affirme qu’il n’est plus possible de couper dans les dépenses si Prévost veut maintenir le même niveau de services.
Même son de cloche de la part du conseiller Claude Leroux. M. Leroux considère que le taux de 68 ¢ évite à la Municipalité de couper dans les services essentiels et de mettre en danger la sécurité des citoyens. Ce taux tiendrait aussi compte de l’augmentation de la masse salariale et des coûts reliés au nouvel aréna (350 000 $ environ).
M. Leroux a d’autre part expliqué pourquoi il avait voté en faveur l’amendement proposé par M. Brunet pour ensuite voter pour le maintien de la taxe à 68 ¢ dans le règlement de taxation. Il affirme qu’à la suite de la proposition « surprise » de M. Brunet le 21 décembre, le maire a dit deux fois aux conseillers indépendants : « Vous n’avez qu’à voter contre [la proposition]. » – comme si le maire n’était pas vraiment sérieux quant à cette proposition. N’ayant que quelques secondes pour prendre une décision, M. Leroux a donc décidé de voter « pour » la baisse de trois sous pour que le maire ait à trancher sur la question. Claude Leroux ajoute par ailleurs qu’il était prêt à étudier la possibilité de diminuer le taux de taxe.
Claude Leroux a ensuite voté pour le maintien à 68 ¢ dans le règlement de taxation puisque l’amendement d’un règlement déclenche un long processus qui aurait, entre autres, retardé de quelques mois l’envoi les comptes de taxes aux citoyens et la rentrée des recettes pour la Ville.
Alors, 65 ¢ ou 68 ¢ ?
Le budget 2016 n’avait pu être adopté en décembre puisque la diminution du taux de base à 65¢ déséquilibrait les revenus et les dépenses. Une séance extraordinaire du Conseil avait été convoquée le 18 janvier pour adopter le budget final. Résultat : les cinq conseillers indépendants ont voté pour le retour du taux de taxation de base à 68¢. Le budget 2016 est donc de 16 348 415 $ et il a été équilibré en puisant 1,1 M$ à même les surplus et réserves.
Cette séance a par ailleurs été le théâtre d’une « foire d’empoigne » (expression utilisée par la conseillère Brigitte Paquette). En effet, lors de la période de questions, les conseillers en faveur du maintien du taux à 68 ¢ ont réitéré qu’il n’avait jamais été question de baisser le taux de base à 65 ¢ avant le 21 décembre, ce que le maire a démenti avec véhémence (le mot « menteur » a été proféré plusieurs fois d’ailleurs de part et d’autre).
Le maire Richer a dit que le maintien du taux à 68 ¢ était une décision malheureuse et qu’il aurait été possible de maintenir les services avec un taux de 65 ¢. Pour leur part, les conseillers indépendants s’entendaient pour dire que la décision de maintenir le taux de base à 68 ¢ était une décision responsable et prévoyante compte tenu de la situation financière actuelle de Prévost.
1 Le vote s’est divisé comme suit : conseillers Leroux, Paquette et Brunet : « pour »; conseillers Bordeleau, Léger et Badertscher; « contre ».
2 Il faut savoir que légalement les Municipalités doivent établir un budget équilibré (revenus=dépenses).
3 Les prévisions budgétaires (le « budget ») et le règlement de taxation sont deux documents distincts.