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Yel
Gleason Théberge, À la surprise de plusieurs, le dictionnaire Robert a récemment intégré le iel / ielle parmi les pronoms utilisés en français. On se rappellera que ce genre d’ouvrage se contente de répertorier les mots déjà présents dans des romans, journaux, revues ou divers textes d’opinion francophones, sans en suggérer nécessairement l’usage. Un dictionnaire ne répertorie ainsi que les expressions qu’un lecteur pourrait trouver, pour lui en faire connaître la signification.
Diverses locutions y sont aussi précisées comme à ne pas utiliser en langue correcte. C’est le cas des anglicismes, comme l’indigeste opportunité, calqué sur l’anglais chaque fois qu’il peut être remplacé par occasion ou chance, alors qu’en français ce qui est opportun implique toujours l’étroit rapport entre deux éléments : il y a ainsi opportunité ou avantage à chausser sa voiture de pneus d’hiver en saison froide.
D’autres mots sont dits de langue populaire s’ils ne relèvent que de la langue parlée dans une région limitée de la francophonie. Au Québec, pour notre parler local, il faut se référer à la banque de l’Office de la langue, au site internet Usito ou au dictionnaire Bélisle. Et chez nous comme ailleurs, certaines expressions sont signalées comme vulgaires pour avertir que leur usage est porteur de valeur douteuse, méprisable ou susceptible d’entraîner la colère.
Le iel du Robert ne relève cependant d’aucune de ces catégories, mais du simple néologisme. Dans ce cas-ci, il sert à désigner une personne qui ne se reconnaît ni spécifiquement comme un homme ou une femme, et le dictionnaire en propose une déclinaison en iels et ielles, pour évoquer plusieurs personnes aux genres non conventionnels.
Dans leurs discours, les personnalités publiques ont déjà l’habitude de nommer, par exemple, à la fois, les Québécois et les Québécoises. Puis, avec le même souci d’inclusion à l’écrit, des manières dites inclusives de noter autrement que par l’énumération sont nées, dont au pluriel le Québécois(es), dont on a dit qu’il plaçait la femme à l’écart comme anciennement dans sa cuisine. La forme a dérivé en Québécois-e-s ou Québécois.e.s, mais personnellement, j’en arrive à préférer les plus sobres Québécois.e ou Québécois.es. Et récemment, dans les textes des mouvements contestant le caractère distinct des genres bleu ou rose, c’est le iel qui est apparu comme contraction du il et du elle.
Son invention n’est pas si exceptionnelle, puisqu’on se rappellera ou apprendra que le grec ancien distinguait, en plus du singulier et du pluriel, une forme appelée duel qui permettait d’inclure deux éléments égaux, comme en français on parle d’un couple. Quant à moi, en attendant de voir s’il y aura longtemps opportunité à utiliser le iel, je ne lui reproche que l’ambigüité de la graphie du I, si proche du L dans certaines polices de caractères, et je lui préfère le yel.