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Singulier ou pluriel
Gleason Théberge – Comparativement au français, l’anglais est plus facile à utiliser. Les mots y sont généralement plus courts. Les tournures y varient moins. Les verbes peuvent ne se conjuguer qu’avec des auxiliaires comme do, did, might, will, would, au lieu de la diversité des formes conjuguées de chaque verbe français, comme l’imparfait, le plus-que-parfait ou le conditionnel. De plus, sauf exception (she cat), l’anglais utilise ses mots sans les identifier comme féminin ou masculin, et s’inquiète moins de la différence entre le singulier et le pluriel.
En conversation directe, le français aussi nuance moins les propos qu’à l’écrit. En disant connaître un couple qui n’a aucun enfant, on pourra d’ailleurs écrire facilement l’affirmation sans se préoccuper d’y ajouter un pluriel, puisque les mots sont de formes neutres (connaître, qui, ne) ou masculines (un, couple, aucun, enfant). Mais parlé ou écrit, le français offre davantage de précisions, qui le rendent plus difficile à apprendre, mais permet de meilleures descriptions. Les synonymes y sont plus nombreux pour évoquer les nuances des choses, concrètes ou abstraites. On y différencie le tu du vous, et conséquemment les formes de salut ne conduisent qu’en relation intime à utiliser le prénom de l’autre.
Quant au nombre des noms, la règle y est d’ailleurs de faire prédominer le singulier, sauf si le pluriel est nécessaire au sens de l’énoncé. On dira ou écrira ainsi de la farine, du pain, puisque ces réalités ne sont pas nécessairement quantifiables. Mais ce sera des pains, si on veut indiquer une variété de productions, par exemple, si une boulangerie offre des pains belge, de seigle ou de blé entier. On notera aussi que le contexte détermine certains accords qui paraissent parfois illogiques, comme dans cet enfant a dû marcher plus d’un kilomètre pendant moins de deux mois, où ce sont les déterminants un et deux qui annoncent le singulier et le pluriel.
La nuance s’imposera aussi lorsque les éléments concernés sont annoncés sans autre marqueur que de, comme dans j’ai besoin de pain ; ou sans, comme dans une farine sans gluten ou un beurre sans sel. Par souci de précision, la logique dans ce genre de cas suppose, surtout après sans, qu’on se demande : « S’il y en avait, cette réalité serait-elle au singulier ou au pluriel? ». Selon la réponse, la solution sera d’écrire une porte sans poignée ou un arbre sans feuilles, puisque même si la phrase dit qu’il n’y en a pas, l’expérience acquise est respectée dans la référence à la porte dont la poignée manque ou à un arbre sans les feuilles qui le caractérisent. En temps normal, il n’existe pas d’arbre qui n’ait qu’une seule feuille.
Dans le cas du couple formé de deux personnes seulement, la clef est d’ordre social. On pourrait écrire un couple sans enfant, mais il me semble que c’est plutôt le pluriel qui convient, comme dans un couple sans enfants. S’il arrive en effet qu’on rencontre quelqu’un qu’on n’a pas vu depuis longtemps, à part « Qu’est-ce que tu fais comme métier? », une des questions qu’on pourra lui poser ne sera-t-elle pas : « As-tu des enfants? »