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L’urgence d’agir pour nos sols
Émilie Corbeil – Le film de Carole Poliquin Humus, présenté en première au Cinéma Pine en sa compagnie, a attiré de nombreux spectateurs malgré le beau temps. Alors que l’alerte est lancée depuis longtemps pour la sauvegarde des sols, l’inaction du monde agricole traditionnel a poussé Poliquin à produire ce documentaire qui nous fait découvrir non pas le problème lui-même, mais des solutions qui peuvent y être apportées.
De la poussière à la terre
Nos sols agricoles, au Québec, partent en poussière. On estime que si rien n’est fait, le Québec les aura perdus en totalité dans 50 ans. C’est, en tout et pour tout, la plus grande menace à notre sécurité alimentaire.
C’est cette information qui a fait bondir madame Poliquin et lui a donné l’idée du film, qui tourne autour de l’exploitation agricole de François D’Aoust et de sa conjointe, Mélina Plante. C’est à travers le travail non conventionnel du couple qu’on comprend qu’il est possible non seulement de protéger les sols existants, mais également de les régénérer.
François D’Aoust soigne son sol. Il le sent, le touche, le regarde et veille à sans cesse l’améliorer. Il n’a désormais quasiment plus besoin d’y ajouter de compost. Tout se fait naturellement, sur place, grâce à un système de planification bien rodé.
La machinerie est tassée là, dans un coin relique qui prend des airs de musée. Ses champs n’en ont plus besoin puisque les micro-organismes et les insectes aèrent très bien la terre chez lui. Suffit de leur laisser de la nourriture et ils travaillent sans relâche.
Le récit peut sembler magique. On comprend toutefois que le défi est grand et la route, parsemée d’embûches. On sent la solitude qui envahit D’Aoust dont la ferme, située en Montérégie, prend des airs de village gaulois au centre de mégas exploitations dont on voit les sols, devenus poussière, se faire la malle au moindre coup de vent.
Seul ensemble
L’agriculteur a beau faire tout ce qu’il faut, il ne fait presque rien et il le sait. C’est là que s’exprime toute sa détresse. Il cherche. Il en cherche d’autres, comme lui, qui souhaitent se relever les manches et se salir les mains. Il cherche à établir des communs puisque pour lui, ils sont la seule solution au problème criant de la perte des sols.
Seulement, on le comprend, il peine à trouver. Malgré que sa manière de faire fasse des émules un peu partout à travers la province, la progression est trop lente et l’échelle, bien trop petite. On imagine que ses pleurs sont sa manière de lancer un ultime « wake-up call ».
Le bon grain, l’ivraie et les cinquante nuances entre les deux
Sur l’exploitation de François D’Aoust, ce sont, en grande majorité, sinon en totalité, des travailleurs étrangers qui papillonnent. Le film frôle à peine le sujet des cultures elles-mêmes, dont plusieurs nécessitent un travail intense de la terre. On sent une envie de migrer vers des espèces plus adaptées à la culture au Québec, soit. La ferme est d’ailleurs de plus en plus couverte d’arbres produisant des noix et des fruits.
On peine toutefois à voir, malgré les superbes images et les prises de son plus qu’habiles, les réelles solutions qui doivent être apportées au problème qui en est un, d’abord, de culture alimentaire. Nos espèces potagères étant en grande majorité totalement inadaptées à notre climat et à notre environnement, elles nécessitent un travail intensif de la terre – Travail que de moins en moins de Québécois sont prêts à faire et qui, faute d’être fait à petite échelle et avec grand soin, porte sévèrement préjudice à nos sols.
Dès lors, ce sont d’autres questionnements qui émergent. Alors que Poliquin souhaite mettre en exergue l’importance de notre indépendance alimentaire, on se demande si malgré tout ce qu’il y a de romantique à suivre une famille engagée pour la cause, on n’aurait pas dû privilégier des initiatives un peu plus efficaces, comme les fermes forestières, l’agroforesterie et les comestibles forestiers, qui demeurent une richesse aussi abondante et écologique que méconnue.