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La guerre, la guerre
Lyne Gariépy – Une guerre, même loin de chez soi, soulève plusieurs questions chez les gens en général. Mais imaginez les interrogations et les inquiétudes qu’elle crée chez les enfants !
Darius, mon filleul d’amour, avait tout juste fêté ses 4 ans, quand, le 24 février dernier, l’Ukraine a été bombardée par la Russie. Même si nous ne l’exposions pas volontairement à ces nouvelles horribles, les petites bribes qu’il saisissait au vol semblent avoir suffi à soulever chez lui plusieurs questions et inquiétudes. Juste au cas où, j’avais consulté des documents écrits par des spécialistes de l’enfance, pour connaître la marche à suivre lors de questionnement des enfants sur la guerre, connaissant la curiosité de Darius. Il est conseillé de répondre honnêtement, en douceur, avec des explications à la portée du petit. Mais de ne pas éviter la question, l’inquiétude pouvant être pire que la réponse pour eux.
Or, un soir, lors d’un souper spécial poutine en famille, Darius me regarde et me dit : « Tatie, j’ai des questions sur le monsieur Poutine. Pas le repas, mais le monsieur Russe qui attaque l’Ukraine. »
Moi, déjà surprise de découvrir qu’il identifie les parties du conflit, je lui réponds : « Oui mon loup. Que veux-tu savoir ? »
Et Darius de commencer : « Je voudrais savoir si c’est vrai que monsieur Poutine peut mettre une bombe sur une fusée. Est-ce qu’il peut l’envoyer dans notre pays ? »
Aye ! Il commence fort ! Je lui réponds donc : « Oui, les bombes peuvent être comme des fusées, ce sont des missiles. Mais monsieur Poutine fait la guerre à l’Ukraine pour agrandir son territoire, parce que l’Ukraine est la voisine de la Russie. Nous on est loin. »
Il me demande alors : « Tatie, est-ce que tu peux me montrer la Russie et l’Ukraine sur ton téléphone ? » Je lui montre donc une carte du monde et lui indique les deux pays en question.
« Ah », dit alors Darius. « Il y a un océan entre nous et la Russie. Si la Russie veut nous attaquer, elle va devoir envoyer ses soldats traverser la mer avant. »
C’est alors que mon filleul me fait une demande encore plus difficile : « Tatie, est-ce que tu peux me montrer des photos de maisons bombardées ? » Aïe, aïe, aïe ! Je trouve une image d’une maison « légèrement » démolie, avec un homme debout à l’extérieur. Après quelques instants à observer la photo, Darius me dit : « Mais Tatie, les gens, ils partent avec juste un sac à dos ? » Je lui explique que oui, car ils doivent porter leurs bagages eux-mêmes, et avancer rapidement.
Je vois bien que quelque chose le tracasse. Il est plus agité. Me souvenant du sac d’urgence qu’on nous encourageait à faire lorsque j’avais son âge, je lui demande donc si faire cet exercice l’intéresse, lui donnant une possibilité d’action face à l’impuissance qu’il ressent. Pour l’aider à se sentir préparé. Il acquiesce et part chercher son sac à dos.
Je lui explique qu’il doit y mettre ce dont il pourrait avoir besoin pour quelques jours. Il choisit donc des vêtements chauds, des bas, un livre « parce qu’il faut lire avant de s’endormir », dit-il. Quelques petits souvenirs, un pour chaque personne qu’il aime. Une mini cafetière « pour jouer, mais aussi pour faire le café de maman, parce qu’elle a besoin de son café ». Après avoir défait et refait le sac pour y mettre une photo de sa mère et moi, avec notre père, en sécurité dans le livre, le sac est près.
C’est alors que Darius tente d’enfiler le sac, mais celui-ci est si lourd, qu’il en tombe sur le derrière ! Et lui de répliquer, en riant : « C’est pas grave, c’est une pratique ! », en rampant pour se relever ! L’exercice est devenu un jeu. Une fois debout, il marche jusqu’à moi, et vient se coller contre moi, et avec toute l’innocence d’un enfant, me demande : « Tatie, est-ce que monsieur Poutine peut devenir gentil ? » Que lui répondre ? J’essaie : « Tu sais mon loup, monsieur Poutine veut prendre l’Ukraine. Je ne pense pas que même s’il devient gentil cela va changer ses plans et ce qu’il veut. Mais peut-être que quelque chose d’autre va le faire changer d’idée. »
Plus tard, lors du coucher, Darius me regarde et me dit : « Aux nouvelles, ils disent que les gens en Ukraine, ils veulent défendre leur maison et leur pays. Joanis et toi, Tatie, vous avez une maison. Est-ce que s’il y avait la guerre, vous la défendriez ? » Et moi de comprendre : « C’est ce qui t’inquiète, Dada ? Qu’on com-batte ? » Petit hochement de tête de Darius. « Eh bien non. S’il y avait la guerre ici, nous ne défendrions pas notre maison. Nous irions te chercher avec maman, papa, Martin, et la famille. On essaierait de se mettre à l’abri. Est-ce que c’est bon pour toi ? » « Oh oui, Tatie ! », dit-il.
C’est alors qu’il me surprend davantage : « Tatie, si je comprends bien, monsieur Poutine dit qu’il ne veut pas faire la guerre, mais il veut l’Ukraine et il fait la guerre. Mais l’Ukraine, elle, elle veut la paix, mais pour l’avoir elle est obligée de faire la guerre ? » « Eh oui, mon loup, c’est très injuste, mais tu as bien compris ! »