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Ronald Raymond et la mise en valeur de la rivière du Nord
Nicolas Michaud – Œuvrant depuis environ cinquante ans au bien-être de la rivière du Nord, Ronald Raymond navigue sur les mots pour relater son histoire et celle de sa chère rivière.
« À l’époque, quand j’allais à l’école, je montais… puis je cachais mes cannes à pêche pour aller dans la rivière, donc ç’a toujours été une passion pour moi. Puis quand j’allais à la rivière, j’ai tout le temps pêché […] À l’époque, on pêchait avec un hameçon, un bout de corde qu’on attachait avec une branche qu’on se ramassait. C’est ça l’époque ! Mais ça fonctionnait ! Puis, quand on voulait avoir des vers, c’était un secteur qui appartenait à un agriculteur, il avait des vaches, donc on donnait un coup de pied sur une bouse de vache pour ramasser les petits vers pour aller à la pêche. C’était ça notre vie à cette période-là. » Se décrivant comme étant un p’tit gars de la région, Ronald Raymond a toujours aimé la pêche au point où la pêche l’a aimé à son tour. De cette relation a surgi une curieuse amitié où chacune des parties a influencé le destin de l’autre.
Le fidéiste ichtyophile
Si ce moucheur professionnel possède son lot d’histoires de pêche, il se rappelle encore celle de sa révélation, de son épiphanie : une grosse truite, nageant le long des piliers de la route 117, qui n’a jamais voulu mordre son hameçon. L’ex-enfant raconte : « Cette truite-là m’a toujours marqué parce qu’elle était pas comme les autres. C’était pas une mouchetée, c’était pas un omble de fontaine. C’était vraiment une truite brune par sa pigmentation, son coloris qui est un peu comme un rayon de soleil dans l’eau. Marqué, suite à ça, j’ai fait des recherches et appris que cette espèce a été implantée au Canada au lac Brûlé au Québec. J’ai cheminé dans cette recherche-là pour apprendre que la truite brune s’était répartie dans le bassin versant. » Ainsi est née de l’échec d’attraper une seule truite brune, la passion pour toutes les truites brunes.
Le porte-parole revendicateur
Séduit très tôt par la pêche à la mouche, un sport alors méconnu, Ronald Raymond commence à s’impliquer au sein de plusieurs organismes, dont l’Association de Chasse et Pêche des Laurentides ainsi que l’Association des Pêcheurs sportifs du Québec. Pour lui, si c’est l’occasion de rencontrer d’autres passionnés de la pêche, il croit fermement que « des associations comme ça devaient également s’imposer dans la mise en valeur, la protection des rivières ». C’est donc cette sensibilité environnementale qui le pousse à s’impliquer auprès d’Abrinord et de la Corporation du Parc régional de la Rivière-du-Nord. En dépit des disparités d’intérêts entre ses nombreuses implications, l’objectif de cet amoureux de la pêche demeure inchangé : revitaliser la rivière en milieu urbain à travers une perspective globale qui est profitable autant chez les poissons que chez les pêcheurs.
Le pédagogue initiateur
Si ce n’était déjà pas suffisant de s’intéresser aux pêcheurs, voilà que Ronald Raymond s’intéresse également aux non-pêcheurs. Au début, il s’exprime dans l’enceinte du gymnase de l’École polyvalente Saint-Jérôme grâce à l’appui d’un frère d’armes (ou frère de cannes), le directeur aux services d’éducation aux adultes. Le fier Jérômien se met à offrir des formations pour le montage, la fabrication et la création de mouches, pour les différentes techniques de pêche, pour la préservation des écosystèmes aquatiques, etc. Cette quête de prêcher sa Bonne Nouvelle aux non-pêcheurs restera présente tout au long de sa vie. Il poursuivra ses activités d’initiation à la pêche dans le cadre, notamment, des Fêtes de la pêche et des programmes d’aide aux jeunes présentant des difficultés scolaires et sociales.
Le citoyen contestataire
Ayant commencé à assister aux séances des conseils municipaux dans la région des Laurentides au début des années 1990, c’est précisément à cette période que Ronald Raymond acquiert sa prise de conscience politique. Il affirme : « Ça m’a permis de, je pourrais dire, de m’imposer, de poser des questions au niveau de l’environnement, au niveau de la qualité de l’eau de la rivière. C’était pas toujours drôle : je me suis fait revirer plusieurs fois à certains conseils parce que je posais beaucoup de questions sur la qualité de l’eau. À cette époque-là, on voyait, au centre-ville [de Saint-Jérôme], la couleur de l’eau changer […] à ce moment-là, la réputation de la rivière, c’était vraiment un égout à ciel ouvert. » D’ailleurs, plusieurs de ses déclarations publiques contre le laxisme politique qui touche le dossier de la pollution des eaux de la rivière lui auraient valu des réprimandes de la part non seulement d’élus, mais aussi d’organismes au sein desquels il s’impliquait bénévolement. Très délassé par cette situation, l’homme fait une pause sur son militantisme et quitte Saint-Jérôme : il n’y remettra les pieds que bien des années plus tard.
Le revenant jérômien
De retour dans la ville au visage de lion, Ronald Raymond reprend du poil de la bête (ou de l’écaille du poisson) et souhaite s’impliquer à nouveau dans sa communauté. De là, il lance une activité de street fishing qui débouche sur la création d’un circuit de pêche urbaine au centre-ville de Saint-Jérôme. La mission de ce circuit demeure de trouver et d’aménager des accès publics aux plans d’eau en incitant la Ville à autoriser ces usages sur plusieurs de ses terrains riverains. À partir de cet instant, les activités événementielles reliées à la pêche se multiplient sous l’impulsion de ce moucheur chevronné, et il est nommé au titre de Sentinelle chez Fondation Rivières, un organisme de défense en environnement.
L’ensemenceur poissonnier
Constatant la diminution de la population de poissons et la dégradation de la qualité des berges, Ronald Raymond a redonné un nouveau souffle à la Fondation de l’eau Rivière du Nord, une division d’Abrinord très peu active qui était même sur le point d’être dissoute, afin de la réorienter vers des projets de sensibilisation et d’ensemencement. Ces derniers viseront surtout la protection et l’amélioration de la qualité de l’eau fluviale; la restauration, la revitalisation et l’accessibilisation des bandes riveraines; la durabilité des ensemencements par l’opération d’identification Tag ta truite qui récolte des données scientifiques sur le déplacement des poissons; et l’éducation de la population au sujet des problématiques qui affectent ces ressources.
Le conseiller municipal
Élu aux élections de 2021 en tant que conseiller municipal à la Ville de Saint-Jérôme, Ronald Raymond participe au comité exécutif, à la commission de l’environnement, et à la commission des parcs et des espaces verts. Déjà très engagé dans le milieu politique, il était déjà bien connu des fonctionnaires lorsqu’il a accédé à son poste d’élu. Chez ces derniers, il remarque une véritable volonté d’améliorer l’état de la rivière du Nord. Il s’est même insurgé contre le rejet important des eaux usées en amont par les municipalités sans que ces dernières préviennent les fonctionnaires des municipalités en aval. Il explique que la Ville dépense des sommes considérables pour traiter l’eau à des fins de consommation humaine et qu’il était nécessaire d’intervenir. Aujourd’hui, il considère que ce malheureux épisode a été nécessaire afin de faciliter l’établissement des liens de communication entre les usines d’épuration de la région.
Le comparateur optimiste
Aujourd’hui, Ronald Raymond se dit plutôt satisfait des améliorations qui ont été apportées pour augmenter la mise en valeur de la rivière du Nord. Il raconte, par exemple, que lorsqu’il a voulu commencer son premier projet d’ensemencement, le ministère de l’Environnement avait jadis refusé son projet en justifiant que la qualité de l’eau n’était pas au rendez-vous pour une telle fin. De nos jours, la pêche sportive est une activité économique très importante : de 2015 à 2019, près de 30 000 personnes ont pêché pour 1,8 M $ de retombées économiques autour des activités de la pêche. De plus, à l’été 2023, lors de son énième ensemencement, ce moucheur était fier de constater le fruit de ses efforts alors qu’Alain-Francois, animateur à l’émission Kalamouche, avait répondu présent à son invitation de pêcher dans sa chère rivière. Enfin, celui qui peint des toiles d’empreintes de poissons résume l’essentiel de son œuvre militante par ce simple mantra « Ma rivière, notre héritage ».