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Spectacles d’ici avec Sylvie Prévost
Ce n’est pas fréquent qu’on se voie proposer un rendez-vous avec une époque révolue depuis presque quatre siècles… C’était une occasion à ne pas manquer.
Le baroque français, je l’avoue, je n’aime pas… ou plutôt, je n’aimais pas. Des textes conventionnels se rapportant à des bergers d’opérette ou à une mythologie éculée, la musique qui est le plus souvent à côté de la plaque si on se réfère aux émotions prétendues… Ce n’est que ce dimanche que j’ai compris à quel voyage dans le temps il nous convie, de quelles racines de notre civilisation il nous fait le portrait. C’est en effet l’époque où l’Amérique française a été colonisée, la musique que jouaient nos élites, les chansons connues du peuple venu s’installer ici.
Le Rendez-vous baroque français est le groupe idéal pour cette rencontre : d’excellents musiciens, une chanteuse à l’élocution parfaite, des explications lumineuses, des textes chantés remis au public à l’entrée.
Le programme proposé a permis à l’ensemble de briller tout en ménageant des espaces qui confirment la virtuosité de chacun. Le flûtiste est d’une agilité de jeu renversante et possède un souffle inépuisable. Le violoniste et lui sont d’une complicité de tous les instants. La basse de violon et le clavecin ne se contentent pas de constituer un fond sonore, mais forment une présence vivante. La chanteuse, très expressive, présente une belle unité de timbre sur tout son registre. Jamais agressive, sa voix est un velours sur lequel les paroles se détachent nettement, ne nous laissant rien perdre du texte.
La musique, elle, semble détester le silence. Extrêmement ornementée elle laisse de la place à l’improvisation, comme dans nos chants folkloriques sur lesquels on peut broder à l’infini. Elle est toute de rubans, de plumes, de dentelles, de soie. Pourtant, des frottements intenses la parcourent, qu’elle résout à la dernière mesure. Cette complexité demande non seulement des musiciens au faîte de leur art, mais en communication constante.
Quant aux textes… voilà l’ancre ultime qui nous raccroche à cette époque où la métaphore permettait de s’exprimer plus sûrement que la sincérité, où les rois étaient réellement tout puissants et redoutés, où les mariages ne se faisaient pas par amour, et lorsque l’amour survenait néanmoins, il se devait de rester chaste, éternel, idéal.
Le peuple, lui, chantait aussi l’amour champêtre, l’amour contrarié, les séparations, le deuil, la résignation et le dur labeur – toutes choses que les premiers Canadiens- français ont abondamment chanté et qui sont encore aujourd’hui le pain et le beurre de bien des interprètes.
C’est un magnifique pont entre le XVIIe siècle et le nôtre qu’a construit et sur lequel a dansé le Rendez-vous baroque français. Et pour peu que nous soyons à l’écoute, nous pouvons y danser aussi.
Le dimanche 29 janvier 2017 : Rendez-vous baroque français – Il y a longtemps que je t’aime
Jeay, flûte baroque; C. Gauthier, clavecin; A. Brisson Paquin, soprano; A. Keesmaat, basse de violon; D. Guilbault, violon baroque.
Lambert : Ma bergère est tendre et fidèle; G. Jeay : Chaconne en ré mineur; L.-N. Clérambault : Orphée; J.-B. Quentin : Sonate en si mineur; M. Lambert : Le repos, l’ombre, le silence; A. Danicam Philidor : Suite en mi; J.-P. Rameau : Le Berger fidèle, Allemande, Viens hymen; J.-M. Leclair : Chaconne; Anonyme : À la claire fontaine (arr. G. Jeay).