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Un peu d’histoire à partir de l’empereur Napoléon Bonaparte
Daniel Machabée – Le 8 mars prochain est la Journée internationale de la lutte pour les droits de la femme. Dans nos sociétés démocratiques modernes, on tient pour acquis que les femmes sont les égales des hommes en droit. Pourtant, ce n’est que très récemment qu’elles ont acquis une certaine reconnaissance égalitaire juridique, notamment en France. Faisons un peu d’histoire à partir de l’empereur Napoléon Bonaparte.
Les articles qui inféodent la femme à l’homme
Le 21 mars 1804, le premier code juridique de la modernité libérale voit le jour en France. Napoléon, au seuil d’être sacré empereur, voulait que la loi fût écrite, qu’elle fût simple et claire, afin que chacun puisque connaître son droit et la protection qu’elle assurait. Les lois françaises, remontant pêle-mêle au code de Justinien de 533, étaient un amalgame de lois civiles souvent dictées par les puissants et différentes d’une région à l’autre. Ainsi, avec la rédaction de ce codex, il entérine les acquis de la Révolution française (c.-à-d. La Déclaration des droits de l’Homme) et, en même temps, définit ce qu’on va appeler l’incapacité juridique de la femme mariée. Donc, il légalise l’infériorité de la femme.
Selon les mœurs de l’époque, la femme n’est pas une personne juridique indépendante. Elle est placée, comme les mineurs, sous la puissance maritale, soit sous l’autorité exclusive du mari ou du père de famille. Ainsi, l’article 213 du Code civil stipule que le mari doit protection à sa femme et que celle-ci lui doit obéissance. Cet article sera aboli en 1938 ! Dans l’article 214, encore pire, il est stipulé que la femme est obligée d’habiter avec le mari et de le suivre partout où il désire résider. Pourtant, la Convention abolissait l’esclavage en 1794…
Jusqu’en 1907, la femme ne peut jouir librement de son salaire, car le mari administre seul les biens communautaires ! Il faut attendre, en France, la loi du 13 juillet 1965 pour que le Code civil consacre la liberté professionnelle de la femme. Quant au divorce, la femme ne peut le demander pour raison d’adultère, mais l’homme oui ! Ainsi, la femme est obligée, parfois, de subir une bigamie. Le divorce est de nouveau interdit en 1816 par le très conservateur Louis XVIII, rétabli en 1884 sous la Troisième République et enfin normalisé et dédramatisé en 1975 sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing ! Pour Napoléon Bonaparte, « il faut que la femme sache qu’en sortant de la tutelle de sa famille, elle passe sous celle de son mari. »
La misogynie des rédacteurs du Code civil
Dans son discours devant le Sénat consulaire des motifs concernant le titre de la section V, Jean-Étienne-Marie Portalis, qui fut un des rédacteurs du Code civil ergotait : « l’obéissance de la femme est un hommage rendu au pouvoir qui la protège. » Ce n’est pas un détail que les rédacteurs du Code civil sont des représentants de la bourgeoisie exclusivement masculins, qui organisent la société en fonction de leur position sociale. Ainsi, « la femme est donnée à l’homme pour qu’elle lui fasse des enfants. Elle est donc sa propriété comme l’arbre fruitier est celle du jardinier. » Même si tout cela peut sembler absurde de nos jours, c’était, à cette époque, l’illustration de l’opinion publique qui ne voyait en la femme qu’un outil indispensable à la reproduction de l’espèce.
Ce Code civil garantissait donc la pérennité d’une société entièrement patriarcale dans laquelle les femmes n’avaient aucun droit au sein de leur famille. Un par un, à travers le temps, ces articles contraignants ont été supprimés ou modifiés afin de garantir une véritable égalité entre les hommes et les femmes.
Les droits de la femme au Québec
À cause de la mainmise du clergé catholique dans la sphère familiale jusqu’à la Révolution tranquille, les droits de la femme semblaient en tout point conformes à ceux des femmes françaises. Ce n’est qu’en 1940 que les femmes obtiennent le droit de vote aux élections provinciales grâce au gouvernement d’Adélard Godbout et en 1944 pour les Françaises sous le gouvernement provisoire du général de Gaule. Le Québec est ainsi la dernière province à octroyer ce droit fondamental au Canada !
En 1964, l’obligation d’obéissance des femmes à leur mari est abolie. Désormais, les femmes sont même autorisées à faire carrière plutôt que de rester à la maison. En 1975, le gouvernement adopte la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit notamment que la discrimination basée sur le sexe est interdite au Québec. En 1979, les femmes peuvent prendre un congé de maternité de 18 mois sans perdre leur emploi. En 1996, la Loi sur l’équité salariale est adoptée. Enfin, la Loi sur le divorce est modifiée en 2021 pour inclure la notion de violence conjugale.
Ainsi, comme on le voit, même dans nos sociétés dites éclairées et avancées, le chemin des femmes pour atteindre l’égalité du moins juridique avec les hommes fut long. Il n’en demeure pas moins que les acquis des femmes demeurent fragiles. Nos sociétés ne sont pas à l’abri d’une rétrogradation. Qui aurait pensé que les droits des femmes iraniennes ou afghanes soient quasi-inexistantes aujour-d’hui alors que ces deux sociétés furent les premières à libéraliser les mœurs des femmes dans le monde musulman avant l’avènement des gouvernements ultra-conservateurs islamiques ? Restons vigilants !