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Le conseiller Pierre-Luc Laurin se retire des médias sociaux
Nicolas Michaud – Depuis le 25 avril 2023, dans le cadre du Plan d’action pour favoriser le respect et la civilité : unis pour la démocratie municipale, le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation a mis en œuvre une vaste campagne de sensibilisation ayant pour objet « Derrière chaque élu(e), il y a une personne. Traitons nos élu(e)s municipaux comme du monde ».
« Donc, je dis à mes citoyens, mes chers citoyens du district 2, que je vais être extrêmement présent maintenant par courriel, par téléphone, par boîte vocale et par courrier si vous le voulez — ça va me faire plaisir. Mais, à partir du 24 juin, je me fais un cadeau de la Fête nationale : je retire tous mes médias sociaux incluant mes médias sociaux personnels. Et ça va être le cœur plus léger que ça va me permettre de continuer à faire ce que je fais pour les citoyens du district 2. Puis, je resterai autant disponible que je l’étais. Donc, voilà. Merci. » C’est donc sur un ton assez sobre que Pier-Luc Laurin terminait son allocution. Après sa déclaration, Paul Germain, le maire, et Sara Dupras, la conseillère municipale du district 5, ont d’ailleurs activement exprimé leur solidarité et leur soutien moral à l’égard de leur collègue.
Le début : les réseaux sociaux comme outils
Élu en 2017 puis réélu en 2021, Pier-Luc Laurin compte maintenant près de six années d’expérience à titre de conseiller municipal de Prévost pour le secteur Les Clos. À sa première campagne électorale, il a utilisé les réseaux sociaux dans le but de se faire connaître du plus grand nombre d’électeurs possible. Vainqueur au scrutin, celui qui deviendra membre de la commission des jeunes élues et élus de l’Union des Municipalités du Québec se met à se servir de ses nouveaux canaux de communication pour dialoguer plus directement avec ses citoyens.
Le milieu : les réseaux sociaux comme armes
Toutefois, c’est surtout avec la venue de pages et de groupes Facebook comme Spotted Prévost qu’ont débuté les injures acrimonieuses, les médisances malfaisantes, les calomnies acerbes et les diffamations hargneuses. Toutes ces attaques ont commencé à s’intensifier et à s’accroître pendant la pandémie alors que tous étaient cloîtrés chez eux devant leurs écrans. « Depuis la pandémie, je sens que les citoyens ont plus d’attentes et moins de patience qu’avant. Beaucoup ne comprennent pas ce qu’est le travail d’un élu. C’est souvent un allié quand ça va bien et un bouc émissaire quand ça va pas », mentionne le conseiller municipal.
Pendant longtemps, le jeune élu s’est questionné sur la pertinence d’employer cet instrument en ligne en tant que courroie d’échanges avec la population. Il y a quelques mois, après avoir mûrement pesé le pour et le contre, il a conclu que c’est une immense perte de temps « à s’en faire pour des commentaires venant de gens qui n’ont aucune considération pour le travail public, le devoir public pour lequel on s’engage pendant quatre ans ». Alors qu’il avoue agir à contre-courant numériquement parlant, son impression était qu’il s’éloignait de plus en plus de ses propres citoyens en mettant tellement d’énergie sur les plus méprisants au détriment de son travail de représentant élu.
S’il indique ne pas avoir eu recours à un suivi psychologique pour le harcèlement en ligne, ce Prévostois avoue que plusieurs consultations psychologiques ont été nécessaires pour soigner la pression mentale qu’il ressentait quant à sa pression mentale liée à une surcharge de travail. À cet effet, comme bien des élus qui siègent dans une ville de la taille de Prévost, Pier-Luc Laurin cumule deux occupations à raison d’une soixantaine d’heures de travail par semaine. Dans son cas, il s’agit d’un emploi à temps partiel pour ses fonctions de conseiller municipal, et ce, sans compter le temps consacré à la gestion des réseaux sociaux, ainsi que d’un autre emploi à temps plein en tant que conseiller spécialisé chez Investissement Québec. Quant à sa présence en ligne, ce père de deux enfants se réjouit de ne plus avoir à s’en préoccuper désormais. Son rôle parental lui importe au point d’avoir déclenché toute sa réflexion sur la compatibilité de sa vie politique avec les réseaux sociaux.
Le dénouement : quoi ? quels réseaux sociaux ?
Depuis que ses comptes Facebook sont fermés, le conseiller municipal sent déjà une différence : ce dernier se sent plus reposé, moins anxieux et reçoit davantage de courriels de la part des personnes qu’il représente. Contrairement à ce que plusieurs pourraient croire, il estime que son absence numérique ne lui nuira pas aux prochaines élections. Il envisage plutôt d’employer la même méthode gagnante qu’il a employée en 2017 : faire du porte-à-porte et aller à la rencontre de chacun des membres de son électorat. D’après lui, dans deux ans, quand l’élection viendra, il compte faire la même chose « et ce ne sont pas quelques publications Facebook qui devraient gagner le cœur des électeurs ».
« Prendre une grande respiration » avant de s’exprimer sur les réseaux sociaux; voilà le message que cet être humain tenait à adresser à la population. Il invite d’ailleurs ses détracteurs, s’ils pensent faire mieux, à se présenter aux élections et à venir débattre avec lui dans l’espace public.
Un cas parmi d’autres : la pointe d’un iceberg qui ne fond pas
L’expérience vécue par Pier-Luc Laurin est malheureusement loin d’être unique. Il témoigne également que beaucoup de ses amis élus ont vécu ou vivent des choses similaires. D’après une étude commanditée en 2017 par la Fédération québécoise des municipalités (FQM), il ressort que 43 % des femmes élues et 34 % des hommes élus rapportent avoir été victimes de discrimination et de violence physique ou psychologique. Plus encore, 44 % des femmes et 51 % des hommes qui en ont vécus ont même déjà songé à démissionner et à abandonner la vie politique. En effet, les comportements désobligeants à l’endroit des élues et élus municipaux entraînent des conséquences néfastes pour la vitalité démocratique et sur le bon fonctionnement de ces gouvernements de proximité et de ces administrations locales.
Heureusement, il existe des pistes de solutions qui sont mises de l’avant par des groupes de recherche ou d’intervention dans ce milieu afin d’aider les personnes élues : la création de fonds d’aide pour avoir accès à du soutien juridique, l’établissement d’un programme de mentorat, l’instauration d’un régime obligatoire de protection à même le budget municipal, etc. Bref, il existe des chemins qui sont déjà tracés et qui n’attendent qu’à être essayés.