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La musique, cette messagère puissante
Carole Trempe – Le 6 avril 2024, dans le cadre de la série Jeunes Virtuoses, Diffusions Amal’Gamme présentait le Duo Cordélia : De l’autre côté du miroir, à la salle de spectacle Saint-François-Xavier de Prévost.
Deux musiciennes très sympathiques qui communiquent merveilleusement bien avec l’auditoire. Au-delà de tout, deux fantastiques musiciennes chevronnées et audacieuses. Marie-Christine Poirier au piano et Vanessa Marcoux au violon. Vanessa joue sur un violon Carlo Giuseppe Testore de 1712 (luthier ayant vécu à Milan entre 1665 et 1716) sur lequel elle dépose un archet Louis Morizot (archetier français né en 1874 et mort en 1957) pour faire vibrer les cordes qui nous propulsent ailleurs.1
Ces deux protagonistes nous entraînent vers des paysages musicaux inhabituels. Elles ont créé des trames musicales qui nous font vivre de nouvelles sensations. Le titre de leur concert De l’autre côté du miroir est éloquent. Qu’est-ce qu’on découvre de l’autre côté du miroir ? Un monde différent, d’autres secrets de l’univers, la vérité, la sincérité, le contenu du cœur, la conscience.
Les deux musiciennes nous ont démontré qu’elles savent dépasser les contingences de leur instrument pour évoluer dans un autre univers, pour cultiver une autre dimension. Elles ont savamment réfléchi et elles nous proposent un répertoire dont les œuvres sont composées par des personnes révolutionnaires, politiquement engagées. À partir de leur immense talent, de leur intelligence sensible et de leur propre engagement social, elles nous livrent tout un programme. Sonate pour violon et piano op.7 no 1 de Fazil Say, compositeur et pianiste turc (né en 1970), activiste pourchassé par les autorités de son pays pour sa lutte contre les religions de l’islam, et prônant la liberté et la lutte contre la pauvreté. Les musiciennes ont su livrer avec une grande sensibilité toute cette culture étrangère, notamment par des effets spéciaux sur leur instrument. Préludes, op. 34 D. Shostakovich qui avait une relation privilégiée avec Staline, ce qui lui a permis de rester en vie et aussi de composer une musique subtile remplie de sarcasme pour signifier son opposition au régime. On ressent la souffrance du peuple, les atrocités, l’oppression, les abus, l’injustice, la violence, rendus avec une immense sensibilité, voire transcendés par les cordes et soutenus par le piano. C’est extrêmement touchant, jusqu’aux larmes. Ces abominations sont, malheureusement, toujours actuelles. Romance de G. Fauré, une œuvre mal reçue à l’époque et pourtant d’une telle beauté. On entend des atmosphères variées, le violon nous offre des moments sonores frisant l’infinitésimal. Dieu que c’est beau !
Avant la pause, Sonate pour violon et piano : 3e mouvement. P. Glass nous fait entendre le maître du mouvement musical minimaliste. Au retour de la pause, une composition originale de Vanessa Marcoux (1986-) : Suite aquatique. Une œuvre novatrice et touchante inspirée par la vie d’un poisson rouge baignant dans un petit pot et dont la mémoire s’interrompt aux trois secondes. La description que nous fait Vanessa est très drôle. Cette artiste regorge d’imagination et de créativité. Nous voyageons aussi des profondeurs noires de l’océan jusqu’au Deep blue saloon. Vanessa possède beaucoup de talent. Elle est détendue, elle a le sens du jeu, le goût du plaisir ! S’ensuit une improvisation au violon. Impressionnante.
Une composition de B. Heller (1936-), Lalai : Une berceuse pour se réveiller ? Pour donner espoir à une cinquantaine de femmes iraniennes captives vivant dans des conditions atroces jusqu’à leur mort toute aussi violente. La musique porte le message de l’amour malgré tout, inspirée d’une souffrance innommable.
Comme dernière pièce, monsieur Mussorgsky de Tableaux d’une exposition (arr. Duo Cordélia) nous présente la contemplation des œuvres de Viktor Hartmann mort subitement, par son ami le compositeur russe Mussorgsky. Trois extraits poétiques et remplis d’émotions.
Un concert de très haut niveau rendu par des artistes extraordinaires qui possèdent un regard particulier sous un angle de prise tout à fait novateur.
Bravo et grand merci à Diffusions Amal’gamme pour leur tradition de diffuser des concerts qui élèvent l’âme et le cœur.
1. Gracieuseté de Canimex qui se fait un devoir de retourner à la communauté par divers moyens, dont le prêt d’instruments de valeur inestimable.