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Jean Chalifoux– Ce qui est parfaitement intéressant, lorsque l’on rencontre Henri Prévost, c’est de pouvoir lui parler de n’importe quel événement s’étant produit au cours des 40 dernières années à Saint-Jérôme ou dans la région des Laurentides, et de voir qu’il est au courant.
Ce n’est toutefois pas très surprenant, il a travaillé ici comme journaliste durant quatre décennies. Et ce qui est manifeste, lorsque l’on discute avec lui, c’est la rigueur et le souci de l’exactitude dans ses propos. La pratique de son métier lui a laissé une marque indélébile, son intellect refuse de transiger avec le spéculatif, l’approximatif, le probable ou l’incertain. Son esprit ne reconnaît que les faits. C’est là, la pierre d’assise de sa crédibilité de journaliste.
Le 6 mai 1975, Henri Prévost entre au journal l’Écho du Nord pour y occuper un emploi d’été à titre de journaliste-remplaçant. Il reconnaît candidement qu’il avait peut-être décroché l’emploi parce que Marc Fortin, le propriétaire du journal à l’époque, connaissait bien son père et embaucher le fils c’était une façon de lui rendre service. Pour ne pas lui enlever tous ses mérites, il faut dire qu’Henri Prévost étudiait à l’époque en journalisme et en communication à l’UQAM. La suite de l’histoire est plus connue, Henri Prévost a travaillé comme journaliste durant 40 ans, dont 38 ans à l’Écho du Nord.
Il faut rappeler que le grand-père paternel d’Henri Prévost, Jules Édouard Prévost, en plus d’avoir été député au fédéral, puis sénateur, était aussi le propriétaire et le directeur du journal l’Avenir du Nord à Saint-Jérôme, jusqu’à sa mort en octobre 1943.
Premières affectations
Les lecteurs assidus d’Henri Prévost pouvaient parfois s’étonner de sa versatilité et de l’étendue de son registre. Il pouvait aborder les sujets d’ordre social, politique ou économique avec la même pertinence et le même aplomb. D’ailleurs, lors de l’implantation de l’usine Bell Hélicoptère à Mirabel, c’est lui que les décideurs régionaux avaient mandaté pour se rendre au Texas afin de mieux comprendre et nous expliquer qui était ce citoyen corporatif qui voulait s’installer chez nous.
Une autre caractéristique intéressante chez Henri Prévost, c’est, de son propre aveu, son désintérêt quasi total pour le texte éditorial. Alors que plusieurs journalistes perçoivent cette fonction comme une finalité, un accomplissement, et qu’il aurait très bien pu s’acquitter de cette tâche comme de n’importe quelles autres d’ailleurs dans une salle de rédaction, il a toujours considéré que son opinion n’avait que peu d’importance, préférant consacrer son talent et ses efforts à l’analyse, à la recherche et au travail sur le terrain. Ses lecteurs en étaient que mieux servis.
L’une des premières affectations d’importance qu’il eut, fut la couverture de l’inauguration de l’aéroport de Mirabel, alors que les Trudeau, Bourassa, Drapeau et compagnie foulaient le tapis rouge pour nous vanter leurs mérites de politiciens visionnaires qui avaient permis une telle réalisation et qu’ils extrapolaient sur le superbe avenir auquel le site était promis. Quarante ans plus tard, au moment de prendre sa retraite, Henri Prévost assistait au ballet des pics démolisseurs qui détruisaient cette même aérogare qui n’avait jamais pris « son envol »…
Ses mentors
Si on lui demande qui étaient ses maîtres à penser, il finit par admettre qu’il aimait bien Pierre Foglia, il n’était certainement pas le seul jeune journaliste à la fin des années 70 à envier et à s’inspirer du célèbre chroniqueur. Ceux qui lisaient Pierre Foglia reconnaîtront dans les textes d’Henri Prévost, le même usage restreint des adverbes, et des adjectifs qualificatifs, le vocabulaire épuré, précis, factuel et la même clarté dans le propos. L’un et l’autre maîtrisent à merveille l’art de communiquer et chacun l’a fait à sa manière, et durant des carrières qui ont eu une durée très comparable. Puis, poursuivant sa réflexion sur les influences de parcours, le côté plus humain du journaliste prend le dessus et il reconnaît d’emblée, l’apport de ses collègues de la première heure, les Yves Rochon, Michel Gingras, Gaston Boucher, ou Charles Michaud.
Il dira, au sujet des trois premiers : « ils ont en quelque sorte “initié” au journalisme, le jeune freluquet que j’étais à 20 ans », alors qu’au sujet de Charles Michaud, qui fut à tour de rôle, un compétiteur (au Mirabel), puis un patron (aujourd’hui avec le journal Web TopoLocal), il reconnaît ses habiletés d’écriture et de vulgarisation.
Et la liberté de presse?
Je lui ai demandé s’il avait déjà eu le sentiment d’être muselé par son employeur pour ne pas compromettre le rendement financier de l’entreprise dont les revenus dépendent essentiellement des annonceurs locaux, sa réponse est sans équivoque, non, il n’était pas muselé, et il explique du même souffle que Marc Fortin tenait à établir dans son journal, une culture d’entreprise différente des anciens organes de partis politiques qu’étaient les journaux locaux à une certaine époque, pour se tourner davantage vers la fonction de bien informer la population. Et c’est probablement cette importance que le journal accordait à l’objectivité et à la qualité du contenu, couplé au professionnalisme de journalistes comme Henri Prévost, qui a contribué à faire de l’ Écho du Nord, la référence régionale la plus crédible durant plusieurs années en matière d’information. C’est d’ailleurs lui, Henri Prévost qui décrit le mieux ce que fut sa carrière de journaliste : « Pendant toutes ces années passées à l’Écho (et plus récemment au journal Le Mirabel), j’ai eu la chance de témoigner de l’évolution de Saint-Jérôme, des Laurentides et, jusqu’à un certain point, du Québec, à travers des gens qui en ont fait la petite et la grande histoire.
J’ai tenté de m’en acquitter le plus honnêtement possible, avec toujours en tête l’objectif d’apprendre des nouvelles pertinentes aux lecteurs et de les aider à mieux comprendre le monde qui les entoure, sans chercher à influencer leurs choix ou leur dire quoi penser. »
Une retraite citoyenne
L’entrevue avec Henri Prévost a duré plus de 2 h 30, et s’est déroulée tel un coup de vent, et donne l’impression de n’avoir effleuré que la surface d’une source intarissable d’informations, d’expérience, de culture, et de vécu. Si le journaliste a pris sa retraite, il en va tout autrement du citoyen, toujours actif, toujours curieux, toujours impliqué dans son milieu.