Le GRAND (CO)VIDE

Journal des citoyens - clermont
Salle de Nouvelles
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Marie-Andrée Clermont – Le pays est en pause depuis la mi-mars. Un méchant virus circule dans le monde et tue les gens. À cause de lui, on ne voyage plus, les écoles ferment, de même que les restos, les usines, les cinémas, les théâtres, les centres commerciaux, les églises et Alouette ! Éliminées les séries éliminatoires. Les téléromans aussi. La vie s’arrête… C’EST LE GRAND (CO)VIDE.

Et par-dessus le marché, on doit s’encabaner… parce que nous, on a cet âge-là !

Les cours sont interrompus. Je vois la famille par Zoom. Avec les amis, je courrielle et je téléphone. Ni visite, ni concerts, ni spectacles, pas de réunions, aucun rendez-vous, plus d’invitations… Je regarde des films à la télé. Je fréquente les musées sur la tablette. Fini le magasinage.

Je marche, ça donne un semblant de vie sociale puisque les voisins sortent aussi et qu’on placote d’un bord à l’autre du chemin, non qu’il y ait tant de nouvelles à partager, mais pour le plaisir de voir quelqu’un d’autre que mon mari. Une voisine sympathique va au marché pour moi. Mes fils aussi à l’occasion, et ils sont là quand les systèmes font défaut – à deux mètres de nous, bien sûr.

Je dévore des livres, des gros, ceux qui me décourageaient avant, comme les classiques russes de ma jeunesse. Relire Crime et châtiment avec la maturité d’aujourd’hui a été révélateur. Reprendre le même passage trois fois… reculer de deux chapitres pour vérifier la genèse d’une idée… des luxes qu’on ne se permet que si on a du temps, beaucoup de temps.

C’est pour ça aussi que nous restons à table plus longtemps à chaque repas, en écoutant de la musique. Nous regardons les points de presse de nos dirigeants pour demeurer à jour. Nous discutons beaucoup, ayant des points de vue diamétralement opposés sur à peu près tout.

Nous respectons les consignes, même si elles nous font grincer des dents. Les semaines s’égrènent. L’hiver a fini par finir, le lac a calé… et, depuis quelques semaines, un déconfinement s’amorce, lueur d’espoir pour certains. Mais pour nous, les vulnérables, la reprise est nébuleuse. La vérité, c’est que le déconfinement nous fait peur, même si nous en rêvons, tout en sachant que rien ne sera plus jamais comme avant.

Quand je voyageais, je me préparais mentalement à supporter les inconvénients… les attentes à l’aéroport, les retards, les oreillers trop durs… Je savais cependant les beautés que j’allais découvrir compenseraient pour tous les ennuis. Et comme je serais de retour après un mois, ce n’était pas bien grave. Mais là, personne ne sait quand la pandémie se terminera. Les arcs-en-ciel ont beau pulluler, tant qu’on n’aura pas de vaccin, on nagera dans l’incertitude.

Sachant donc que nous en avons pour longtemps, nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur, réinventant le quotidien, appréciant les petits plaisirs comme le jardinage, le plein air, les sentiers forestiers…

Oui mais… quelle sorte d’été allons-nous passer sans les réunions familiales qui, jusqu’ici, ont donné sens à notre vie ?

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