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Entrevue avec les Amis de la bibliothèque de Sainte-Anne des Lacs
Nicolas Michaud – Au cœur de Sainte-Anne-des-Lacs, un bâtiment modeste abrite bien plus qu’une simple collection de livres : la bibliothèque municipale, un pilier social et culturel qui dessert une population en plein essor. Cependant, ce lieu chéri par les citoyens se heurte à d’importants défis qui risquent de compromettre sa capacité à répondre aux besoins actuels et futurs de la communauté. Valérie Lépine, Marie-Andrée Clermont et Suzanne Labrecque, des Amis de la bibliothèque, tirent la sonnette d’alarme.
Quand on pousse la porte de la petite bibliothèque municipale de Sainte-Anne-des-Lacs, rien ne laisse présager qu’elle repose sur une structure fragilisée, jugée « trop coûteuse à rénover pour sa valeur » par un audit technique commandé par la Municipalité en 2020. Pourtant, les enfants y courent joyeusement entre les rayons, les familles s’y rencontrent, et les bénévoles s’évertuent à préserver un accueil chaleureux malgré des contraintes d’espace devenues criantes.
Un bâtiment obsolète, une démographie galopante
Érigée en 1991 pour environ 1 000 habitants, la bibliothèque est aujourd’hui complètement dépassée par l’explosion démographique de la municipalité, qui compte désormais plus de 4 000 résidents. Avec seulement 119 m², elle est loin des 519 m² recommandés pour répondre aux besoins actuels.
L’audit mené par BG Architectes révèle des problèmes structuraux importants : plancher dénivelé, humidité persistante et infiltrations d’eau. Le rapport est sans appel : la réfection exigerait des investissements jugés disproportionnés, et le bâtiment, déjà inadéquat pour une bibliothèque publique moderne, ne peut remplir sa mission à long terme.
Un manque d’espace à tous les niveaux
Les contraintes se font sentir dans chaque recoin :
- Un seul téléphone pour trois employés, sans espace confidentiel pour les échanges critiques;
- Un comptoir d’accueil exigu et un nombre insuffisant d’ordinateurs pour les usagers;
- Aucun espace adéquat pour la réparation, l’étiquetage et le rangement du matériel;
- Une collection déjà réduite et amputée du tiers en raison du poids des livres et de la capacité portante du plancher, entraînant la perte de la précieuse « collection déposée » du réseau des bibliothèques, un service crucial pour les petites bibliothèques aux budgets restreints;
- Des activités collectives, comme l’heure du conte ou les conférences, limitées par une capacité maximale de 20 personnes;
- L’absence totale de lieux adaptés pour les adolescents, de zones calmes pour étudier ou d’un espace repas pour les employés.
Une voix citoyenne
Devant l’urgence de la situation, un regroupement citoyen informel, les Amis de la bibliothèque, milite pour une solution durable. Leur souhait : voir aboutir le projet d’une nouvelle bibliothèque intégrée à l’hôtel de ville, tel que le propose la Municipalité. « Notre volonté n’est pas de nous opposer, mais de soutenir, de convaincre, pas de diviser; on veut appuyer un projet positif, créatif et adapté aux besoins actuels », répète Suzanne Labrecque.
Depuis leur formation, les Amis de la bibliothèque se consacrent à informer et à donner une voix aux partisans de la bibliothèque, plus souvent silencieux que ses opposants. Ils ont mené différentes actions : articles dans le journal local; participation aux séances du conseil municipal; rencontres avec la mairesse, la directrice générale et les conseillers.
Cependant, le dossier avance lentement. Des projets précédents ont été bloqués, notamment un en 2018, repoussé à la suite d’un référendum. Plus récemment, la demande de subvention présentée au gouvernement québécois a été refusée, entraînant de nouveaux retards. De plus, le groupe fait face à une certaine résistance au sein de la municipalité, notamment concernant les augmentations de taxes, malgré les arguments démontrant le faible coût collectif d’une bibliothèque.
Un rôle social et culturel incontournable
Pour ces bénévoles, la bibliothèque est bien plus qu’un lieu de prêt de livres : son rôle social s’est transformé. « Autrefois, le troisième lieu, après la maison et le travail, c’était l’église : aujourd’hui, c’est la bibliothèque, c’est un espace où tout le monde est le bienvenu, peu importe son revenu », rappelle Valérie Lépine. « Ici, pas besoin d’acheter quoi que ce soit pour avoir sa place », ajoute madame Labrecque, avec conviction.
Malgré des installations limitées, la bibliothèque connaît une affluence record. Devenue un véritable repère dans la vie communautaire, elle est aujourd’hui perçue comme un espace essentiel de socialisation et d’inspiration, et un rare lieu intergénérationnel où jeunes et moins jeunes se côtoient. Ses fonctions sociales et culturelles demeurent multiples et vitales :
- Seul lieu culturel permanent de la municipalité, accessible gratuitement à tous;
- Espace de rencontre qui brise l’isolement, favorise les échanges et crée de nouveaux liens;
- Pôle éducatif pour les enfants, en soutien au langage et à la réussite scolaire, avec une offre en français et en anglais utilisée par la garderie et le camp de jour;
- Accès direct à la culture et à l’information grâce à une collection variée et au prêt entre bibliothèques;
- Lieu d’activités et d’innovation avec clubs de lecture, conférences, et initiatives créatives comme la confection de sacs écoresponsables à partir de vêtements recyclés.
Pour ces défenseuses, toute fermeture ou réduction des services représenterait une véritable « catastrophe » sociale, culturelle et communautaire.
Un enjeu électoral
Dans les échanges de voisinage comme lors des réunions municipales, le sujet revient sans cesse. « On sent que les citoyens ne veulent pas perdre leur bibliothèque : c’est inimaginable pour eux », affirme Marie-Andrée Clermont. Avec les élections municipales qui approchent, l’avenir du projet sera entre les mains du prochain conseil municipal. Les Amis de la bibliothèque appellent les citoyens « à s’informer, à assister aux conseils municipaux, à lire les comptes rendus et infolettres », et surtout, à « contacter leurs conseillers et les candidats pour manifester leur intérêt et poser des questions sur l’avenir de la bibliothèque ». Le groupe entend bien rappeler aux candidats l’importance de cet enjeu. « Notre défi, c’est de faire de la bibliothèque un sujet incontournable pour le prochain conseil », conclut madame Lépine.
*Pour consulter le plus récent audit : GILBERT, Maxime-Karl. 2024, 21 octobre. « Audit technique sommaire – architecture ». No de référence : 19-857-D.