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Le bon bateau au bon endroit
Émilie Corbeil – Le 30 juillet dernier, la Coalition Navigation lançait le projet NAVIA : Naviguer sur la Vie aquatique – mesurer, comprendre et agir pour la protéger. Grâce à une collaboration avec l’Institut national de recherche scientifique (INRS), le projet aura pour double objectif de mieux comprendre l’effet du batillage sur les berges ainsi que de créer des outils de sensibilisation et de mesurer l’engagement des plaisanciers.
« Vous m’avez monté un beau grand bateau, vous m’avez fait de bien grandes vagues ». Daniel Piché, président de la Coalition, annonce d’entrée de jeu ce qui a motivé la création de l’organisme en 2013 : L’apparition, sur nos lacs, de bateaux de type wake boats. Ces embarcations, bien spéciales, sont dotées de ballasts et d’amplificateurs de vagues afin de permettre aux plaisanciers de faire du surf.
Les vagues créées par ces engins peuvent atteindre plus de 1,5 mètre de hauteur et produisent une colonne d’eau remuant les sédiments jusqu’à cinq mètres de profondeur, causant un double problème : d’abord, les vagues hautes et puissantes frappent violemment les berges et les érodent, puisqu’elles ne s’éteignent qu’au bout d’une distance de 300 mètres, soit bien davantage que la largeur de la majorité des lacs et des baies. Ensuite, les colonnes d’eau en profondeur font remonter une quantité importante de sédiments, augmentant l’apport en phosphore et la turbidité des lacs et précipitant leur eutrophisation. Monsieur Piché précise que la majorité des lacs du Québec ont une profondeur moyenne d’à peine six mètres.
Ces informations proviennent d’études qui ont déjà été faites par l’Université du Québec à Montréal et l’Université Laval à Québec. Le projet NAVIA permettra en outre de financer une nouvelle étude, cette fois dédiée à la caractérisation de l’empreinte hydro-sédimentaire de plusieurs types de bateaux plutôt que seulement ceux de type wake boats.
Le difficile partage des cours d’eau
Pour M. Piché, il devient évident que de telles embarcations, lorsqu’elles sont mal utilisées, nuisent gravement aux autres usagers des lacs. Il devient impossible d’y faire du canot, du kayak, de la planche à voile ou du paddle board, puisque les vagues sont trop violentes. Il est également peu avisé de s’y baigner, l’eau devenant totalement turbide lors des fins de semaine achalandées. Plusieurs riverains déplorent aussi que leurs quais soient abîmés par les vagues.
Une législation inadaptée
Sur nos lacs, la navigation demeure encadrée par la Loi sur marine marchande du Canada. Inadaptée, cette loi ne tient en aucun cas compte de la tolérance environnementale propre à chacun des cours d’eau qui accueille des embarcations. Elle fait par ailleurs fi de toute notion du partage des eaux en contexte de plaisance.
Pour M. Piché, il est difficile d’espérer pouvoir un jour modifier cette loi, férocement défendue par une industrie nautique milliardaire.
L’environnement, un pouvoir municipal
Le président de la coalition souligne toutefois que les Municipalités qui font leurs devoirs ont quelques outils dans leurs coffres pour encadrer la pratique du wake boat. Si la règlementation propre au cours d’eau est fédérale, les Municipalités conservent des pouvoirs sur la qualité globale de l’environnement. Elles pourraient donc, par règlement, imposer certaines restrictions.
Cette constatation n’est pas sans rappeler la récente victoire de la Municipalité de Sainte-Anne-des-Lacs devant les tribunaux, alors qu’elle était poursuivie par la compagnie Weedman. La juge de la Cour supérieure a ainsi rappelé qu’il était possible pour une municipalité de restreindre, dans ce cas-ci, l’usage des pesticides, sans empêcher aucunement la réalisation de l’objet de la loi fédérale.
N’en demeure pas moins que plusieurs Municipalités craignent les contestations judiciaires et qu’il devient, dans un contexte d’actions individuelles, difficile de coordonner les efforts.
L’importance de l’éducation
C’est en toute connaissance de cause que la Coalition réserve une grande partie de ses efforts à l’éducation des plaisanciers. Ces derniers doivent être informés des gestes à poser pour réduire l’impact de leurs activités sur les plans d’eau. Faire du wake boat dans des eaux profondes et vastes en diminue nettement la nuisance environnementale. C’est aussi un moyen de ménager de l’espace pour les autres plaisanciers.