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2e partie, Les plaines d’Abraham
Daniel Machabée danielmachabee@journaldescitoyens.ca – Cette chronique portera sur les événements tragiques qui changèrent non seulement la face du monde, mais le destin d’un continent. Ces événements concernent la fin du régime français en Amérique du Nord, ce que la mémoire collective appelle La Conquête, qualificatif honteux dont l’auteur ne partage pas la pensée. Voici la suite de la chronique historique de la page 21 du mois de mai.
Depuis son échec au Sault Montmorency, le général anglais James Wolfe s’obstine à trouver un meilleur site de débarquement. À cinq ou six reprises, les Anglais tentent un débarquement entre Cap-Rouge et Deschambault, mais se butent toutefois à Bougainville et l’élite de la cavalerie qui les refoulent. Wolfe, malade, veut essayer une dernière tentative avant l’automne. Dans ses incessants trajets sur le fleuve en amont de Québec, il aperçoit un sentier gardé au sommet par un petit poste de garde. Le 11 septembre, vers 20 h 30, il informe ses lieutenants : « Enfin, Messieurs, la gloire de nos armes me semblant exiger que nous ne nous retirions point sans faire une dernière tentative, je vous demande avec instance de vouloir bien ne vous y point refuser. Je vais dans cette vue essayer de faire pénétrer les bois de Sillery par un détachement de 150 hommes seulement. Si ce premier détachement rencontre de la part de l’ennemi quelque résistance, je vous donne ma parole d’honneur que regardant alors notre réputation comme à l’abri de toute espèce de reproche, je n’hésiterai plus à me rembarquer. »
Et voici deux événements qui changeront la face de l’Amérique : le commandant du poste de garde à l’Anse-aux-Foulons, le sieur de Vergor, donne la permission à ses soldats d’aller moissonner leurs champs à condition qu’ils fassent aussi les siens. Et dans la nuit du 12 au 13 septembre, on attend un convoi de vivres qui doit arriver du fleuve. Alors, quand les soldats britanniques entament l’ascension du sentier vers 3 h du matin, tellement étroit qu’ils doivent l’escalader un à la fois, la sentinelle lance un « Qui vive ? », et auquel répond en excellent français : « France ! » Ainsi, croyant avoir affaire à un des leurs, que la sentinelle laisse le détachement prendre pied sur les Plaines.
Montcalm est mis au courant vers 5 h 45. Vers 8 h, il est satisfait de voir qu’il a affaire à toute l’armée anglaise, et non à quelques bataillons. L’armée française est mise en bataille sur trois rangées sur les Butte-à-Neveu. Malgré le refus de Ramezay de dégarnir la ville de canons et malgré l’absence de Bougainville et de l’élite des troupes toujours à Cap-Rouge, Montcalm donne toutefois l’ordre : « Nous ne pouvons éviter le combat. L’ennemi se retranche; si nous lui donnons le temps de s’établir, jamais nous ne pourrons l’attaquer avec le peu de troupes que nous avons. »
Après deux, trois salves de mousquets, Montcalm est mortellement blessé ainsi que Wolfe. Les Français, voyant leur général atteint, se débandent et fuient. En quinze minutes, la bataille est terminée, les Anglais sont vainqueurs. Vaudreuil arrive de Beauport et lors d’un conseil de guerre tenu le soir, il est convenu de se replier sur la Jacques-Cartier. Et alors qu’on met le général Montcalm en terre le lendemain au couvent des Ursulines, un témoin raconte : « Il semblait que la Nouvelle-France descendit dans la tombe avec la dépouille du général ».