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Il y a encore du chemin à faire
Noa Garcia-Ahmad noaga@journaldescitoyens.ca – Cette année encore, le Journal s’est penché sur les enjeux entourant la qualité de l’eau de la rivière du Nord. Afin d’en apprendre davantage sur les problématiques et les défis liés à ces enjeux, nous nous sommes entretenus avec la directrice générale d’Abrinord (l’Organisme du bassin versant de la rivière du Nord), madame Marie-Claude Bonneville.
Pour Abrinord, l’évaluation de la qualité de l’eau de la rivière du Nord se fonde principalement sur leur programme d’échantillonnage. Brièvement, Abrinord échantillonne l’eau de la rivière une fois par mois, d’avril à novembre, sur leurs 56 stations d’échantillonnage. La moitié de ces échantillons sont pris en temps de pluie afin de pouvoir mieux documenter l’influence des précipitations et du ruissellement sur la qualité de l’eau. Ainsi, Abrinord ramasse au total huit échantillons par année et base son évaluation de la qualité de l’eau sur les concentrations de coliformes fécaux, de phosphore et de matière en suspension.
Une dégradation vers le sud
Ce qu’on remarque dans les plus récents échantillonnages d’Abrinord de manière générale, c’est une dégradation de la qualité de l’eau de l’amont vers l’aval, comme nous l’explique madame Bonneville : « Dans le nord du bassin versant, on a un paysage de villégiature, une densité de milieux naturels plus importante, moins d’activités, donc, de manière générale, la qualité de l’eau est un peu meilleure ». Dans le sud du bassin versant, on remarque au contraire une plus grande urbanisation, une densité de population plus importante et davantage d’activités ce qui augmente fortement les sources de contamination potentielles pour la rivière.
Par ailleurs, on remarquait en avril et mai 2021, certains dépassements des critères de qualité de l’eau établis par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques aux stations d’échantillonnage situées plus au sud. Cependant, selon madame Bonneville, les données de 2021 sont insuffisantes pour en arriver à des conclusions concrètes sur la qualité de l’eau : « Pour les échantillonnages d’avril et mai, il faut tenir compte de la fonte des neiges super rapide. (…) Les dépassements observés à Saint-Jérôme ont plusieurs causes possibles. La situation du printemps n’a pas aidé non plus. Au mois de mai, le niveau de l’eau dans la rivière du Nord était très bas, donc il y a aussi un facteur de dilution qui est un peu plus faible. Toute source de contamination va avoir un impact plus prononcé, vu qu’il y a un faible volume d’eau ».
La qualité de l’eau en milieux agricoles
L’entrée en milieu agricole constitue encore une source importante de pollution pour la rivière du Nord. D’une part, l’utilisation de certains fertilisants et pesticides, des éléments nutritifs qui enrichissent le milieu, a pour effet d’augmenter la part de phosphore et d’azote dans l’eau et ainsi la pousse de végétaux et de plantes aquatiques. On pourrait croire que la croissance de la végétation en milieu aquatique est bénéfique, mais la réalité est bien différente : en effet, une surabondance de phosphore cause un débalancement de l’écosystème, entre autres, par l’eutrophisation accélérée des lacs et la prolifération d’algues bleu-vert. D’autre part, l’utilisation de fertilisants tels que du fumier fait augmenter la présence de coliformes fécaux dans nos eaux.
Ensuite, l’apport en sédiment, qui provient de l’érosion des berges et des champs, pose problème, notamment au niveau du ruissellement : « Le ruissellement peut être amplifié si les sols sont compactés, par exemple suite au passage répété de la machinerie. L’eau aura ainsi tendance à glisser à la surface plutôt que de s’infiltrer et pourrait donc amener plus facilement des contaminants dans les cours d’eau ».
On remarque également que la réglementation sur les bandes riveraines diffère en milieu agricole : la bande est moins large et il est difficile de dire si cette largeur est toujours respectée. Pourtant, les bandes riveraines constituent une solution durable : « La bande riveraine sert autant à filtrer les contaminants qu’à réduire l’apport en sédiments au cours d’eau. […] Avec une végétation bien en place, ça ralentit beaucoup la vitesse du ruissellement et ça capte beaucoup de contaminants et de sédiments ». Abrinord a par ailleurs démontré les effets bénéfiques des bandes riveraines dans un projet réalisé en collaboration avec l’organisme spécialisé en agroenvironnement Club Profiteau-sol, qu’on peut d’ailleurs retrouver en format vidéo sur le site monsol.ca. D’ailleurs, vous pouvez retrouver sur ce même site plusieurs exemples de pratiques agroalimentaires qui ont permis de mieux protéger les cours d’eau.
Un enjeu transversal qui rassemble plusieurs acteurs
Il est évident que les Municipalités ont un rôle crucial dans la lutte pour une meilleure qualité de l’eau dans les cours d’eau du bassin versant de la rivière du Nord. Pour ce faire, les Municipalités peuvent, entre autres, intégrer dans les normes réglementaires une gestion durable des eaux pluviales et davantage encadrer le développement dans les zones plus urbanisées : « L’idée, c’est de garder l’eau à la source le plus possible. Les solutions qui vont permettent l’infiltration de l’eau à la source pour éviter que ça ruisselle dans les plans d’eau, les cours d’eau, les lacs, sont des bonnes options ». Madame Bonneville a également fait mention de l’importance de la sensibilisation sur les problématiques qui entourant la qualité de l’eau du bassin versant.
Toutefois, madame Bonneville doit avouer que le défi est grand pour les Municipalités : « Il y a une réglementation qui existe, il s’agit d’allouer les ressources pour la faire respecter. Et ça, on le sait, c’est un défi pour plusieurs Municipalités. Les ressources ne sont pas toujours disponibles pour assurer un suivi ». La mise en place des projets de protection de la qualité de l’eau requiert également une vision très large et une excellente connaissance du territoire : « La gestion de l’eau comporte des enjeux transversaux qui demandent la collaboration et une solidarité de tous les acteurs de l’eau. Par exemple, quand il y a une décision d’aménagement du territoire ou de développement, il faut tenir compte de l’impact que ça peut avoir sur la qualité de l’eau […], pas juste à l’endroit où une activité ou un projet se déroule, mais partout dans le bassin versant ». D’autant plus, si les municipalités ont un rôle important à jouer, c’est également le cas pour les citoyens, les associations citoyennes, les producteurs agricoles, les entreprises et tous les utilisateurs de l’eau.
Somme toute, il y a encore beaucoup de travail à faire pour assurer une bonne qualité de nos plans d’eau. On peut quand même espérer que les nombreux acteurs de l’eau pourront agir de manière concertée afin d’assurer une gestion durable du bassin versant de la rivière du Nord.