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Une comédie dramatique ou une tragédie comique
Lyne Gariepy – Le 11 septembre dernier, nous avons eu le plaisir d’être reçus pour la première du film Niagara, par le cinéma Pine de Sainte-Adèle. Une agréable rencontre avec le réalisateur Guillaume Lambert et les interprètes Véronic Dicaire et Éric Bernier a suivi la projection.
Niagara raconte, en chapitres, l’histoire d’Alain (François Pérusse), professeur de taekwondo sans emploi, et Léo-Louis (Éric Bernier), gestionnaire de risques blasé, qui entreprennent un road trip pour se rendre à Niagara Falls. Leur père, décédé des suites d’un ice bucket challenge, y résidait au vignoble de leur frère ainé Victor-Hugo (Guy Jodoin). Sa disparition vient raviver regrets et conflits au sein de la fratrie. Les frères, s’étant éloignés avec les années, rencontreront en chemin des personnages colorés, dont Stacy (Véronic Dicaire), et sa fille Penelope (Katherine Levac).
Dualité Drame-comédie
Avec François Pérusse (dans son premier rôle au cinéma, tout comme Levac et Dicaire), on peut se demander si c’est une comédie dramatique ou une tragédie comique. En entrevue, Guillaume Lambert nous a confié qu’il n’aime pas les cases et les étiquettes, mais, que « c’est surtout aux spectateurs de vivre cette expérience, car, désormais, le film leur appartient ».
Une chose est certaine : dans Niagara, la comédie et le drame cohabitent constamment. Lorsque l’intensité des scènes dramatiques est à son paroxysme, elles sont souvent désamorcées par une blague. Il en va de même pour les scènes comiques, qui parfois sont teintées de tristesse ou de mélancolie. Les moments tragiques côtoient donc les moments légers, mais, dira le réalisateur, « Je trouve ça fascinant quand il y a des gens qui rient et d’autres qui pleurent ou s’exclament avec la même image. J’aime beaucoup faire cohabiter le drame et la comédie ». Les cassures de ton sont fréquentes, et surtout très efficaces. « J’aime beaucoup les cassures, dans mon montage, et dans la musique aussi. Les chansons ont souvent une fin abrupte. Il y a un effet comique, et ça maintient l’attention du spectateur avec les cassures », dira monsieur Lambert.
D’une chute à l’autre
Mais pourquoi la ville de Niagara, et des frères dans la cinquantaine ? Après tout, le réalisateur est dans la fin trentaine. « J’avais l’image d’un homme sur le pont de la chute Montmorency qui vient de tout perdre. Il songe à se jeter en bas, mais il apprend au même moment que son père est décédé. C’est la scène d’ouverture du film, et c’est le visage de François Pérusse qui m’est apparu. Même si c’est quelqu’un d’extrêmement drôle, il y a de la mélancolie dans son regard. De là, tout a découlé : son frère qui devait donc être dans la cinquantaine, le road trip d’une chute à l’autre. Et la chute la plus proche est Niagara Falls », dit-il.
« Niagara veut d’ailleurs dire “tonnerre des eaux”, j’ai donc voulu représenter des personnages réprimant leur colère. Je voulais témoigner d’une carte postale qui avait un peu jauni, et je trouvais que Niagara était l’endroit idéal pour une famille déchue qui apprend à se reconstruire, où chacun reprend sa place. C’est l’endroit qu’on visitait en famille dans les années 1980. J’aime les lieux qui ont perdu de leur lustre. J’adore le kitsch, mais jamais trop joyeux, j’aime le rendre triste. J’aime aussi beaucoup les choses qui ont l’air légères en apparence, mais qui portent une certaine profondeur en même temps », précise le réalisateur. Encore la dualité que l’on retrouve partout dans le film.
Processus créatif
Pour ce qui est de son processus créatif, Guillaume Lambert, dont c’est le deuxième long métrage, après Les scènes fortuites (2019), confiera : « Un film est quelque chose de vivant. Une chose en amène une autre. Si tu le tires trop, tu risques de le trahir. Sans encourager l’improvisation du côté des textes, je crois qu’il faut saisir les occasions, et faire des obstacles à une force ». Le réalisateur confiera qu’il aime aussi teinter ses personnages au fil des conversations avec les acteurs, pour laisser transparaître des éléments insoupçonnés de la personnalité des interprètes.
Les lieux de tournages sont parfaitement choisis, et bien que le film fut entièrement tourné au Québec, pour des questions d’assurance, il est difficile de s’en douter. « On avait l’intention de mélanger plusieurs régions du Québec, pour faire un Canada qu’on ne reconnaisse pas, qu’on ait vraiment une impression de voyage, d’un vrai road trip », explique Lambert. Et c’est réussi !
Sa réalisation est colorée, même dans les scènes aux lumières grises. Le rythme du montage soutenu, et les références issues de la culture populaire sont nombreuses. Le choix des acteurs témoigne aussi de ces références : « J’ai choisi des acteurs qui représentent quelque chose pour moi et ma génération. Éric Bernier, pour Tout sur moi, Guy Jodoin, pour Dans une galaxie près de chez vous. Et bien évidemment, François Pérusse, dont c’est le premier rôle dramatique ». Narrateur pour Les Scènes fortuites, le créateur des 2 minutes du peuple n’a pas été difficile à convaincre « Sa confiance est probablement le plus beau des cadeaux. Ça venait avec une grande responsabilité », dit Lambert.
« Comme Niagara était notre premier tournage d’un film depuis la pandémie, il y avait vraiment une effervescence, il y avait une envie d’être là », explique Éric Bernier. L’absence d’autres contrats le permettant, certains, comme Véronic Dicaire, se sont même transformés significativement pour leur rôle. « C’était stimulant de pouvoir se transformer autant », dira-t-elle. « Elle habite vraiment son personnage », de renchérir Guillaume. Tous les acteurs s’en tirent très bien. On croit à leurs personnages.
Même si c’est un film sur le deuil, c’est aussi un film sur la lumière. Celle un homme qui tombe pour mieux se relever. D’une famille qui se reconstruit. Malgré quelques larmes, la fin est tout en douceur, et on en ressort bien. La dualité tristesse-joie jusqu’à la fin ! – Un film à voir. À l’affiche au Pine dès le 16 septembre.