Sortir des sentiers battus

Collaboration JDC
Les derniers articles par Collaboration JDC (tout voir)

Chronique du CRPF

Valérie Lépine – On encourage généralement les gens à sortir, au figuré, des sentiers battus pour innover, explorer ou assouvir leur curiosité. Mais quand on parle de randonnées pédestres, sortir, au sens propre, des sentiers battus est bien souvent interdit, car ce geste endommage la forêt et hypothèque sa régénération en plus de causer un stress à la faune.

Dans tous les espaces protégés ouverts au public, on remarquera qu’une des premières consignes à respecter est de rester dans les sentiers. Pourquoi cette règle est-elle instaurée d’emblée par tous les gestionnaires de parcs naturels ?

Protéger la flore

S’aventurer hors d’un sentier entraîne presqu’inévitablement le piétinement de la flore de sous-bois. Or, une fleur printanière écrasée ou une pousse de chêne cassée par un randonneur ne se remettra probablement pas de sa blessure. Certaines mousses meurent dès qu’elles sont piétinées. 

Le piétinement affecte l’écologie d’une forêt et met en péril sa pérennité,  puisqu’il contribue à abîmer les jeunes plants qui garantissent sa régénération. Une étude effectuée à Montréal a démontré que lorsqu’un secteur est complètement fermé à la circulation humaine, on observe une augmentation de 80 % des jeunes pousses d’arbres tandis que le piétinement fait diminuer de 60 % la végétation en bordure des sentiers.1 Rester dans les sentiers balisés permet donc de protéger le sous-bois et en assurer la préservation. 

Même l’hiver sous la neige, les végétaux restent sensibles au piétinement puisqu’à pied, en ski ou en raquettes, il est plus que probable que le randonneur abîme ou casse des branches en s’enfonçant dans le couvert neigeux. Plusieurs parcs et réserves ferment par ailleurs leurs sentiers au printemps pour éviter la dégradation accélérée des sentiers et des végétaux. Lors du dégel, les racines des arbres sont particulièrement sensibles au piétinement. Et les randonneurs qui tentent d’éviter les trous de boue qui recouvrent certains sentiers au printemps abîment la végétation des bordures de sentiers et contribuent à l’érosion des sols. 

Et aussi la faune

Les randonneurs qui quittent les sentiers risquent aussi le nuire à la faune. Il y a risque de détruire le nid d’un oiseau qui niche au sol au printemps, de fractionner un tunnel de neige qu’a creusé une souris ou de perturber un animal qui sommeille. On sait qu’un animal qui fuit un humain l’hiver et qui doit courir dans un couvert neigeux profond, prendra plusieurs heures à se remettre de ce stress et à refaire le plein d’énergie. 

Les intrusions hors des sentiers balisés nuisent ainsi grandement à la faune. Elles provoquent stress et dépenses d’énergie non essentielles qui peuvent épuiser les animaux et mettre leur survie en péril. 

Éviter l’introduction de plantes envahissantes

Un sous-bois endommagé par les randonneurs est en outre plus vulnérable à l’apparition de plantes exotiques envahissantes comme le nerprun bourdaine ou l’anthrisque des bois. Celles-ci profitent des trouées dans le sous-bois provoquées par le piétinement pour s’installer et éventuellement prendre la place des plantes indigènes. La forêt risque donc à moyen terme de perdre une grande partie de sa biodiversité. Rester dans les sentiers évite aussi la propagation de graines d’espèces végétales envahissantes qui pourraient se retrouver collées aux semelles des randonneurs. 

Éviter les mauvaises surprises

Rester dans les sentiers permet aussi aux randonneurs d’éviter d’entrer en contact avec des plantes urticantes comme l’herbe à puce ou l’ortie. Cela permet aussi d’éviter d’être mordus par des parasites comme la tique

à pattes noires, vecteur de la maladie de Lyme. Cette tique ne saute pas, mais s’agrippe aux mammifères quand ceux-ci frôlent les herbes hautes qui l’abritent. À noter que la maladie de Lyme est maintenant considérée comme endémique à Prévost et Saint-Hippolyte.2

1. Pourquoi rester dans les sentiers ?, Réseau Canopée (www.reseaucanopee.org/fr/bonnes-pratiques-sentiers/)

2. Maladies transmises par les tiques, Institut national de santé publique du Québec (www.inspq.qc.ca/zoonoses/tiques)

print