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Le développement durable et pérenne des réseaux de sentiers de plein air
Anthony Côté – Les changements climatiques sont à nos portes. Les sentiers de plein air existants comme les aménagements futurs doivent pouvoir résister aux assauts de la météo extrême. La pérennisation de sentiers doit inclure l’acceptabilité sociale. Des outils ont été développés pour être à la hauteur de ces défis.
Les connaissances des impacts des changements climatiques sur les sentiers évoluent. Ce qui était tolérable dans l’aménagement de sentiers il y a 10-15 ans ne l’est plus. Les conditions climatiques changent avec l’ajout de conditions de météo extrême telles des fortes pluies, des vents violents, des sécheresses prolongées, des Derechos. Les zones climatiques changent ce qui permet la migration des essences d’arbres, d’espèces animales (dindon sauvage et chevreuils) et d’insectes (tiques). Certains sentiers existants mal localisés en prennent pour leur rhume : l’érosion peut s’implanter rapidement.
Un organisme à but non lucratif et de bienfaisance des Basses-Laurentides, l’Institut des territoires (IDT) a mis au point des techniques pour évaluer un réseau de sentiers et les éléments à développer/améliorer pour le rendre durable et pérenne. De plus, l’IDT a établi les prérequis pour encourager et maintenir l’acceptabilité sociale de projet de sentiers tant sur le plan environnemental que législatif. À noter que leur savoir-faire s’applique autant à des projets de sentiers existants (qui subissent aujourd’hui les changements climatiques) qu’à un projet de nouveau réseau de sentiers.
Quelles en seront les conséquences des aléas des changements climatiques, les impacts et les risques ? Sans entrer dans les détails, les changements climatiques sont soumis à un programme de gestion du risque. Selon les aléas climatiques, les impacts possibles sont déterminés et un niveau de risques leur est attribué. Cette étude a été réalisée pour quatre MRC dans la région des Laurentides.
Compter sur les faits que la conception d’un réseau de sentiers soit acceptée socialement, soit peu coûteux et entraîne un maximum de retombés économiques, soit implanté en évitant tout impact sur l’environnement et résilient est… impossible ! Donc, développer un réseau de sentiers entraîne des compromis entre le progrès social, le développement économique et la protection de l’environnement. Les risques menant à un échec sont nombreux.

Avant d’aborder une méthode d’implantation macrodurable d’un réseau de sentiers, l’IDT établit 16 principes dans les trois sphères de développement durable :
Principes sociaux
- Santé et qualité de vie
- Équité et solidarité sociales
- Accès au savoir
- Protection du patrimoine culturel
- Prévention
- Participation et engagement
- Subsidiarité1
- Partenariat et coopération intergouvernementale
Principes environnementaux
- Protection de l’environnement
- Précaution
- Préservation de la biodiversité
- Respect de la capacité de support des écosystèmes
Principes économiques
- Efficacité économique
- Pollueur payeur
- Production et consommation responsables
- Partage des coûts
Cocher toutes les cases garantit-il le succès du projet ?
Hélas non, l’acceptabilité sociale peu tout faire dérailler. Il est donc primordial de mettre en place des démarches d’acceptabilité sociale qui soient inclusives, participatives, transparentes et constructives tant pour les propriétaires concernés que par la communauté. Ici, il faut éviter le plus possible la polarisation pour garder la communication ouverte entre les intervenants. Selon Julie Caron-Malenfant, « Le dernier obstacle sur lequel nous avons peu d’emprise et qui constitue souvent la clé du succès d’un projet est la capacité de bien gérer la composante sociale. »2 Un bel exemple est donné par le parc Linéaire Le P’tit Train du Nord pour son Programme d’aménagement intégré des boisés en bordure de pistes. D’autres exemples : le Sentier de motoneiges Trans-Québec 33 entre Sainte-Hippolyte et Sainte-Margue-rite-du-Lac-Masson et la Connexion écologique et récréative entre le parc Val-David / Val-Morin et les Terres publiques intermunicipales de Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson. À noter que l’acceptabilité sociale n’est pas ponctuelle, mais doit être maintenue dans le temps avec des actions concrètes.
Peu importe le projet à réaliser, il n’est pas possible de respecter les 16 principes de développement durable. Il faut évaluer tous les impacts positifs et négatifs. Il sera même nécessaire de prioriser une des sphères du développement durable. La question est quels enjeux sont les plus élevés ? Éviter et minimiser les impacts négatifs des sphères de développement durable est l’étape suivante.
La méthode pour limiter et gérer les impacts négatifs est la hiérarchie d’atténuation3. Cette méthode permet d’aligner les besoins environnementaux et sociaux avec les priorités de développement. Il consiste à faire une liste exhaustive de tous les impacts négatifs (écologiques, sociaux et économiques) puis :
Étape 1. Nous tentons d’éliminer certains impacts en changeant quelque peu le design préliminaire du projet.
Étape 2. Pouvons-nous réduire, minimiser certains impacts négatifs ?
Étape 3. Pouvons-nous restaurer des éléments suite à notre passage ?
Étape 4. Il reste des impacts négatifs résiduels, pouvons-nous compenser par des actions à impacts positifs ?
Étape 5. Étant donné qu’il y a compensation, nous devons bonifier avec des actions positives équivalentes à la compensation.
Étape 6. Pour terminer, nous ajoutons des actions de bonification additionnelles !
Ça continue… le mois prochain avec deux exemples de projet réalisé dans les Laurentides : la révision du tracé d’un sentier existant où l’hydrologie du site domine (la Johannsen Est) et l’ajout d’un réseau de sentiers où l’impact sur l’habitat faunique fut un enjeu majeur (le mont Kaaikop).
1. Le principe de subsidiarité est un principe politique selon lequel la responsabilité d’une action publique, lorsqu’elle est nécessaire, revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action.
2. Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d’action, 2009.
3. La hiérarchie d’atténuation est une approche itérative s’appuyant sur les bonnes pratiques internationales, qui vise à limiter et gérer les impacts négatifs des projets.