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Un tarif douanier n’est pas une baguette magique
Henri Beauregard – Contrairement à ce qu’avance le président Trump, un simple tarif douanier ne va pas rapatrier du jour au lendemain la production de l’iPhone aux États-Unis. Voici pourquoi.
Les firmes multinationales, comme Apple, tirent avantage des coûts et de la qualité des ressources humaines et matérielles disponibles un peu partout sur l’ensemble de la planète. Elles le font en implantant des filiales ou encore en faisant appel à des fournisseurs ou sous-traitants locaux. Ainsi, dit-on, les chaînes d’approvisionnement se sont graduellement mondialisées et la production des composants et l’assemblage d’un produit nécessite la contribution d’un grand nombre de fournisseurs établis dans plusieurs pays.
L’iPhone d’Apple
Depuis quelques années, Apple a diversifié sa chaîne d’approvisionnement, mais demeure extrêmement dépendant des producteurs asiatiques. Le iPhone 16 en est un bel exemple décortiqué par la revue Alternatives Économiques (voir tableau). On distingue une quinzaine de catégories de ses composants, de l’écran à la mémoire du cellulaire, et les pays d’origine des différents fournisseurs qui sont établis dans une douzaine de pays différents, très majoritairement en Asie. Avec en tête, la Corée du Sud, Taïwan, le Japon et la Chine.
L’assemblage final se fait encore en Chine et aussi maintenant en Inde. Le coût total des composants du iPhone 16 est de 359 $, soit 32,5 % de son prix de vente et les frais d’assemblage de 57 $, soit un 5,2 % supplémentaire. Dit autrement, même si la production matérielle d’un iPhone vendu aux États-Unis est non étatsunienne à hauteur de 40 % environ, il n’en demeure pas moins que près de 60 % des revenus générés le sont sur le territoire des États-Unis.
Déplacer la production de ces composants aux États-Unis est tout à fait impossible parce que les capacités de fabrication en sol américain sont soit inexistantes ou encore insuffisantes, du moins à court terme. Les investissements nécessaires pour y parvenir seraient colossaux et exigeraient une planification de plusieurs années, voire d’une décennie. Et conserver le même niveau des coûts de production aux États-Unis qu’en Asie est quasi impossible à réaliser.
Si Apple a d’abord été associé aux ordinateurs, son nom d’origine en 1976 était d’ailleurs Apple Computer Inc., on peut dire aujourd’hui qu’il vend principalement des téléphones cellulaires. Apple en tire près de la moitié de l’ensemble de ses revenus, cinq fois plus qu’avec la vente d’ordinateurs ! (graphique 1)
Au cours des cinq dernières années, à l’échelle planétaire, Apple a vendu entre 225 et 232 millions d’iPhone par année. Sur une base hebdomadaire, c’est un peu plus de quatre millions d’exemplaires ou environ 600 000 par jour !
On estime qu’Apple écoule environ 40 % de ses iPhones aux États-Unis, soit une centaine de millions d’exemplaires par année, un peu moins de deux millions par semaine. On peut imaginer la taille gigantesque nécessaire d’une usine d’assemblage capable de produire à tel rythme. Rien n’est impossible certes, mais il faudrait du temps, de l’énergie et beaucoup de dollars pour y parvenir.
L’effet des tarifs douaniers
Le président Trump avait annoncé des tarifs douaniers sur les produits en provenance de Chine de 145 %. À partir des données du tableau 1, on peut estimer qu’un tel tarif appliqué à l’iPhone 16, entièrement transféré aux consommateurs, augmenterait son prix de 476 $, pour le porter à 1 574 $, une hausse de près de 40 % !
Pour les produits en provenance de Chine, Trump s’est ensuite ravisé pour un tarif « réciproque » de 10 % et un tarif « fentanyl » de 20 %, pour enfin exonérer certains produits électroniques, dont les cellulaires, du tarif réciproque. Actuellement, la surtaxe fentanyl de 20 % demeure en vigueur ! Si Apple transfère aux consommateurs l’entièreté du tarif, le iPhone augmenterait de 83 $, soit une hausse de 7,6 %.
Pour ne pas perdre de clients, Apple pourrait aussi absorber une partie du tarif en réduisant ses marges bénéficiaires qui certes sont très grandes. Mais sa profitabilité en serait négativement affectée.

Un tarif douanier va donc nécessairement impacter les consommateurs étatsuniens et/ou les profits d’Apple. Un impact négatif sur l’économie américaine dans les deux cas. Une autre belle « réussite » du président pour les États-Unis : une hausse de prix pour les consommateurs et une baisse de profit pour une entreprise du pays.
Une machine à faire du fric
Les revenus annuels d’Apple sont colossaux. Au cours des douze derniers mois, ils ont été de 408,6 milliards de dollars, américains bien sûr. Le coût des marchandises vendues se chiffre à 217,9 G $. Le profit brut est donc de 190,7 G $ (408,6 G $ moins 217,9 G $). Les dépenses d’exploitation (recherche et développement, marketing et administration) de 60,5 G $ permettent de dégager un bénéfice d’exploitation de 130,2 G $. Apple provisionne une somme de 30,9 G $ pour l’impôt, soit un faible 7,6 % de ses revenus. Au final, pour une année d’opération, le revenu net (le profit) d’Apple est donc de 99,2 G$ ! C’est une marge bénéficiaire nette de près de 25 %, un ordre de grandeur que l’on observe généralement dans les produits de luxe !
Apple fait donc beaucoup d’argent, principalement avec l’iPhone, et en engrange aussi énormément. Selon son dernier bilan financier, la firme détient près de 55,4 G $ en liquidités (cash and cash equivalents, marketable securities).
Si l’iPhone est présentement une grande force pour Apple, un affaiblissement de ce marché – saturation du marché voire baisse de la demande, impact négatif des tarifs vis-à-vis la Chine et autres pays en Asie – pourrait se transformer en une faiblesse majeure pour l’entreprise, compte tenu de la place majeure que ce produit occupe aujourd’hui dans les revenus de la firme.
La firme Apple
Si la firme Apple a d’abord été associée aux ordinateurs, son nom d’origine en 1976 était d’ailleurs Apple Computer Inc., on peut dire aujourd’hui qu’elle vend principalement des téléphones cellulaires. Elle en tire près de la moitié de l’ensemble de ses revenus, environ 45 milliards de dollars en trois mois d’opération en 2025, cinq fois plus qu’avec la vente d’ordinateurs (8 G$) !

Les services occupent le second rang et génèrent 29 % de ses revenus, soit un montant d’environ 27 milliards de dollars pour la période considérée. La gamme des services est très vaste, les principaux concernant les contenus numériques (Apple Music, Apple TV+, …), le stockage de données (iCloud), les services financiers (Apple Pay, Apple Cash …). Enfin, les autres services touchent la publicité, les abonnements à des services logiciels et le développement d’applications et de services aux entreprises.Quant aux autres sources de revenus, ils proviennent de la vente d’ordinateurs Mac (9 % des revenus totaux), les objets connectés (8 %) et ceux liés aux iPad (7 %). Au total, ces trois secteurs ont généré près de 22 G$ de revenus, toujours sur une courte période de trois mois.
Note de la rédaction – Quelques lignes du tableau 1 de l’article Trop de taxes en 2024 à Sainte-Anne-des-Lacs ?, paru dans l’édition du 17 juillet 2025, ont été dégradées au moment de l’impression, les rendant inintelligibles. Vous trouverez sur l’édition Web en ligne du Journal le-dit tableau 1 correctement présenté. Toutes nos excuses.