La fin d’un mandat

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Témoignage sur la fin d’une implication politique

Helen Morisson – Je n’aurais jamais cru m’impliquer en politique municipale. Pourtant, à l’été 2021, en faisant du yoga avec des copines du quartier, l’idée a germé. Motivé par une impulsion soudaine, je me suis lancée ! Ne connaissant rien aux rouages d’une campagne ou d’une candidature, j’ai eu la chance de rejoindre une équipe en plein essor, prête à prendre la relève d’une mairesse qui avait donné âme, cœur et santé.

Résidente de Sainte-Anne-des-Lacs depuis 30 ans, j’y ai élevé mes enfants dans une communauté où la nature prime et où il fait bon vivre. Est-ce que je connaissais ces gens, son administration, ses enjeux ? Pas du tout. Comme bien des familles occupées par le travail et les enfants, la politique ne faisait pas partie de mes priorités. Mais à 58 ans, les enfants grands et l’expérience acquise, j’étais prête pour un nouveau défi.

Animée par le goût d’apprendre, j’ai aimé rencontrer les citoyens, m’initier au rôle de conseillère, établir des priorités, orienter des décisions et participer à l’approbation de budgets complexes.

Ai-je fait des erreurs ? Bien sûr. L’année 2023, avec ses hausses de taxation de 17 %, a été un cauchemar. J’ai passé des heures à revoir le budget, tenter de couper, réimaginer… en vain. Frais de mutation trop bas, hausse de l’essence, erreurs salariales : la liste est longue. Mais c’est la loi du live & learn. Le plus difficile, toutefois, fut d’affronter certains comportements humains. Travailleuse sociale, j’avais l’habitude des situations délicates, mais la politique se joue à un autre niveau, même dans une petite communauté.

J’ai toujours cru à la participation citoyenne et n’ai jamais refusé une rencontre. Certaines demandes furent marquantes : maintenir des contrats locaux sans appel d’offres, convaincre la mairesse de créer un groupe de « conseillers seniors » en finances, trancher des querelles d’accès à l’eau. Comme conseil, nous avons été critiqués pour avoir modifié les règles du comité consultatif en environnement, ou pour avoir acheté des équipements municipaux (camions, tondeuses) afin de réduire les contrats externes.

J’ai compris que la politique locale cache bien des visages, autant parmi les citoyens qu’au sein du conseil. D’où l’importance de la déontologie, de la hiérarchie et du décorum. On ne peut toujours être d’accord, mais il faut toujours penser au bien commun.

Notre rôle n’est pas de défendre chaque citoyen contre un règlement qui le contrarie. Mais il arrive qu’une règle appliquée sans nuance cause un préjudice. C’est alors que les mécanismes comme les PIIA ou les dérogations mineures prennent tout leur sens, permettant d’évaluer un projet non seulement selon la règle stricte, mais aussi selon l’intérêt collectif et l’intégration au milieu.

Le conseiller se trouve ainsi dans une position délicate : écouter les citoyens de son quartier tout en plaçant leurs demandes dans le cadre du bien commun. Pour le reste – lampadaires défectueux, nids-de-poule – c’est l’administration municipale qui agit. Le rôle du conseiller est d’orienter, d’adopter des règlements, de surveiller les budgets et de siéger au conseil d’administration de la Ville.

Avec la nouvelle campagne électorale, je vois déjà des dérives. On veut accroître la participation citoyenne, mais en choisissant seulement des « gens qualifiés » : juges, avocats, professeurs, cadres. Pourquoi limiter la contribution à ce profil élitiste ? Tous les résidents devraient pouvoir participer.

On propose aussi des bibliothèques éclatées, une par groupe d’âge, alors que le rôle de ce lieu de culture est de rassembler. Certains disent ne pas avoir besoin de vie communautaire, car ils vivent sur de grands terrains… mais alors, pourquoi maintenir un country club réservé à quelques-uns ?

On attaque également les finances. Oui, les taxes ont augmenté, comme partout depuis la pandémie : nourriture, essence, immobilier… les Villes n’échappent pas à ces hausses.

Et que dire du projet d’accès à l’eau, présenté comme mal réfléchi car implanté sur une servitude privée – alors même que le terrain appartient à la Ville. On affirme que les riverains n’ont pas été consultés, alors que d’innombrables rencontres et séances ont eu lieu. La résistance n’est pas étonnante quand on constate que plusieurs membres de la nouvelle formation politique bénéficient déjà d’un accès à l’eau. On m’a même accusée de diviser la population, comme si ces divisions n’existaient pas depuis longtemps. Car elles sont bien réelles : riverains et non-riverains, francophones et anglophones, villégiateurs et résidents permanents, retraités et jeunes familles, familles fondatrices et nouveaux arrivants, partisans de la quincaillerie Boyer ou du BMR Dagenais, membres du Country Club du lac Marois et les autres, fortunés et plus modestes. Réduire ces fractures, n’est-ce pas justement l’un des rôles essentiels d’un conseiller municipal ?

Nous vivons dans une petite communauté où chacun cherche à influencer. C’est normal ; toutes les villes connaissent ces tensions. Mais moi, j’aime ma nature tranquille, les gens heureux, les belles histoires. Et j’ai fait de merveilleuses rencontres avec des citoyens dévoués. Mais les jeux politiques n’ont plus de place dans ma vie ni dans mon cœur. C’est pourquoi je me retire de la politique municipale. – Merci à tous ceux qui m’ont accompagnée.

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