Nos sentiers, une problématique

Anthony Côté
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Comment corriger les sentiers de plein air

Anthony Coté – On doit se rendre à l’évidence, nos sentiers de plein air se dégradent ! Avec les changements climatiques, l’érosion s’aggrave. L’achalandage a augmenté après la pandémie : avons-nous dépassé la capacité de portance1 de nos sentiers ?

L’aménagement des sentiers de plein air a été et est encore beaucoup le domaine de dévoués bénévoles amateurs avec peu ou pas d’expérience en la matière. Les sentiers de bénévoles sont de deux types : ceux qui récupèrent d’anciens sentiers forestiers ou ceux qui sont aménagés en « colonisateur ». Dans les deux cas, la construction du sentier n’est pas basée sur des connaissances techniques et écologiques. 

Dans le cas des sentiers forestiers, les fondations sont souvent inexistantes. Le travailleur forestier allait au plus facile, il aménageait son sentier dans les baissières, creux entre deux collines et il se souciait peu du drainage du sentier. Les problèmes de trous de boue et d’érosion étaient fréquents; leur utilisation se limitait à quelques semaines par année.

Pour les sentiers « colonisateurs », aménagés surtout par des fondeurs donc conçus pour un usage hivernal, le parcours du sentier se limitait à couper la fardoches et au besoin, quelques petits arbres pour obtenir un tracé plutôt rectiligne. Puis on enlevait les débris forestiers (arbres morts et branches mortes au sol). Aucune intervention au sol sauf peut-être pour enlever une petite souche. Aucune préoccupation quant au drainage du sentier. Dans quelques rares cas, une mini-excavatrice a été appelée en renfort pour enlever de grosses pierres et/ou pour niveler la piste. Ici encore, aucune préoccupation avec le drainage du sentier.

Avec l’implication des organismes fédérés de plein air tel Rando Québec et Vélo Québec, des guides de construction de sentiers sont apparus. En général, ils se limitaient à la construction de nouveaux sentiers, laissant supposer que les sentiers existants devaient être rebâtis à neuf ou relocalisés. L’objectif majeur présenté par les guides de construction est de dévier l’eau de ruissellement hors du sentier le plus rapidement possible pour limiter l’érosion, de retirer les racines et de remplacer la terre organique (terre noire) en surface de la piste par de la terre minérale. Voici quelques citations :

  • « Quant aux impacts sur le milieu physique, ils sont souvent bien visibles et mesurables. On n’a qu’à observer les incisions profondes causées par l’érosion sur un sentier mal conçu pour s’en rendre compte. »2 
  • « Les impacts physiques sont, dans la plupart des cas, causés par une mauvaise conception des sentiers ou par un manque d’entretien. Les mesures d’atténuation de ces impacts nécessitent des actions directes sur les causes de ces impacts. L’application des normes en aménagement de sentier est la mesure d’atténuation la plus efficace à la disposition des gestionnaires. »2

Avec le passage répété des randonneurs dans les sentiers, surtout les vélos de montagne, les surfaces des pistes se sont compactées, formant une dépression de quelques centimètres de profondeur au centre de la piste. Le sol compacté et le creux ainsi formé retiennent l’eau de ruissellement dans la piste. Dans les pentes, les creux deviennent des ruisseaux intermittents entraînant de l’érosion après de fortes pluies. Changements climatiques obligent, ce phénomène s’est accentué dans les dernières années. 

Un deuxième problème apparaît avec la compaction du sol, les racines des arbres poussant près de la surface sont exposées : la terre descend, mais la racine reste à la même hauteur. Le résultat est souvent que les racines sont « écorchées », écorchures par lesquelles des maladies peuvent s’introduire dans l’arbre. Voici ce quand disent Rando Québec et Vélo Québec :

  •  « … Les roches instables, les souches d’arbres, ainsi que les racines exposées en sont retirées lors de la construction ou périodiquement selon un calendrier d’entretien. »2
  • « Les racines d’arbres exposées sont généralement le résultat d’une érosion causée par une utilisation excessive, des événements météorologiques, une mauvaise conception du sentier, une mauvaise construction du sentier ou des sols mous. Si les racines de l’arbre sont exposées, elles risquent d’être constamment endommagées par la circulation, ce qui compromet l’état de l’arbre. »3

Questions 

  • Si des correctifs qui évacuent l’eau de ruissellement du sentier sont apportés, serait-ce suffisant pour limiter suffisamment l’érosion ?
  • Y a-t-il des solutions moins drastiques que d’enlever la terre organique et les racines et de les remplacer par de la terre minérale ? 

Le mois prochain, nous tenterons de proposer des solutions « autres » qui, ultimement, demanderont des essais dans nos sentiers pour les valider.

1. La capacité portante (ou la portance) est la capacité d’une structure ou d’un sol à recevoir la pression causée par les marcheur-se-s et cyclistes.

2. Normes en aménagement de sentiers, Éditions Rando Québec, 2020

3. Guide d’aménagement des sentiers de vélo de montagne, collaboration IMBA et Vélo Québec, 2024

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