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Cafard de lecture
Valérie Lépine – On m’avait suggéré de lire le roman Le cafard pour recommencer à écrire cette chronique. J’étais un peu frileuse à l’idée de replonger dans l’univers de Rawi Hage. Son précédent roman Parfum de poussière (2006) m’avait complètement laissée de glace malgré les critiques dithyrambiques. J’ai cependant accepté, voulant donner une deuxième chance à l’auteur.
J’ai entamé Le cafard de Rawi Hage avec bien évidemment un petit biais négatif, compte tenu de mon expérience avec le précédent roman de l’auteur. Parfum de poussière ne m’avait fait ressentir aucune sympathie face au destin de deux jeunes hommes aux prises avec les affres de la guerre civile libanaise. Malgré la violence du récit, je trouvais le style froid et les personnages unidimensionnels. C’est la frustration qui s’est manifestée au terme de ma lecture. Pourquoi donc tous les critiques se pâmaient-ils devant ce roman ? Qu’est-ce qui m’échappait ? Comment n’arrivais-je pas à voir le « génie » célébré de cet auteur ?
Avec Le cafard, j’ai ressenti la même chose. Dans ce roman écrit en 2008, un jeune immigré (on pourrait penser qu’il est originaire du Liban comme son créateur) tente de survivre à l’hiver montréalais et aux souvenirs qui le hantent. C’est un anti-héros : il vivote, vole drogue et nourriture chez ses amis, tente de se trouver un emploi, traîne dans des cafés miteux. Il se compare à un cafard, tant il se sent différent, rejeté et détestable. Il se déteste, mais déteste aussi tout ce qui évolue autour de lui, à part la belle Soreh, une femme d’origine iranienne, dont il est follement amoureux et qui porte en elle un passé douloureux.
De la vie et des réflexions de ce personnage peu sympathique émanent les thèmes lourdement chargés du choc des cultures, des misères de l’immigration et des ravages de la guerre.
Malgré ces sujets qui ne peuvent laisser indifférent, je n’ai pas réussi à m’investir dans ce roman. Je me demande encore pourquoi. Est-ce sa structure linéaire ? Son rythme lent et ses passages répétitifs ? Le style froid et distant de l’auteur, qui me rappelait Parfum de poussière ? La traduction qui n’arrive peut-être pas à rendre la pensée de Rawi Hage ? L’état d’esprit dans lequel j’étais durant ma lecture ? Probablement un peu de toutes ces réponses.
Un article1 traitant du Cafard se terminait ainsi : « En fait, les romans de Rawi Hage ont la froideur et la dureté du métal, et on les manie avec prudence, comme des revolvers chargés. » Je suis tout à fait d’accord avec ce point de vue sur l’auteur. Et comme des revolvers, je vais m’en tenir loin.
- Rawi Hage – Survivre à son passé de Caroline Montpetit. Le Devoir, 3 octobre 2009.