- Échos du conseil de ville de Piedmont - 21 novembre 2024
- Échos du conseil de ville de Piedmont - 16 octobre 2024
- Échos du conseil de ville de Piedmont - 16 août 2024
L’avant-garde, avec 84 ans de retard
Émilie Corbeil – Le 11 mars dernier, un avis de motion a été déposé au Conseil de ville de Prévost en vue de l’adoption prochaine d’un règlement établissant un programme d’aide financière à l’achat d’articles d’hygiène féminine durables. Ces produits, encore trop peu connus et sous-utilisés, méritent davantage d’attention, en particulier la coupe menstruelle.
Le Graal a été inventé en 1935
De tous les produits d’hygiène féminine durable, c’est la coupe menstruelle qui, sans aucun doute, a tout pour prendre sa place dans la vie des femmes. Il est particulièrement difficile de comprendre pourquoi elle est encore si peu utilisée alors qu’elle a été brevetée dès 1935.
À l’origine faite de caoutchouc naturel, la pénurie de cette matière première causée par la Deuxième Guerre mondiale l’aurait relayée aux oubliettes. Le brevet, racheté en 1959, a sonné l’heure d’un retour à la production, qui fut vite arrêtée en 1963 faute d’atteinte d’un niveau de ventes raisonnable. On raconte que les campagnes de publicité ont été honnies par puritanisme, et que le choix des dames s’est plutôt arrêté sur les produits jetables, considérés, à tort bien sûr, plus hygiéniques. À cela faut-il ajouter que la coupe menstruelle dure longtemps, ce qui en fait un objet à potentiel réduit quant aux profits?
C’est ainsi que plusieurs générations de femmes n’ont pas pu profiter de cette innovation formidable et que depuis des décennies, elles doivent s’astreindre, mois après mois, à une gestion prévisionnelle des stocks de tampons et de serviettes de tous formats. Sans compter la lourdeur du bagage propre à la période menstruelle.
Être écologique n’a jamais été aussi simple et agréable
Sarah (nom fictif) utilise la coupe menstruelle depuis maintenant plusieurs années. Sa motivation était de tendre vers un mode de vie zéro déchet et elle a perçu ce changement comme un mal nécessaire.
C’était sans savoir à quel point la coupe allait lui rendre la vie plus douce. Si, de manière générale, l’adoption d’un mode de vie plus durable présente son lot de sacrifices, il n’en est rien en ce qui concerne la coupe menstruelle : « Je fais moi-même mon pain et mes produits de beauté. Je dois me déplacer plus loin pour aller faire les courses dans des marchés qui vendent les aliments en vrac. Parfois, il m’arrive d’acheter du pain déjà fait par manque de temps ou par simple paresse. L’envie ne m’est par contre jamais venue d’aller me racheter des tampons! »
Finies, donc, les visites mensuelles à la pharmacie. Idem pour les angoisses d’avoir tout ce qu’il faut à portée de main au moment opportun. Ne reste qu’une petite coupe en silicone chirurgical que l’on trimbale comme un rien, et beaucoup d’espace dans la « pantry » de salle de bain. Contrairement aux produits hygiéniques plus conventionnels, la coupe est parfaitement adaptée à tout moment pendant les menstruations : La nuit, le jour, dans les périodes les plus comme les moins abondantes.
Habitudes, technicalités et autres considérations
La question qui vient naturellement à bien des utilisatrices de la coupe menstruelle tient aux raisons qui motivent tant de femmes à continuer d’utiliser des produits jetables. Si la coupe est pratique et facile d’utilisation, et qu’elle fait économiser un temps précieux, elle reste peu connue.
Caroline Laroche, gynécologue, explique d’abord ce constat par le fait que les femmes hésitent encore à parler des menstruations, qui demeurent taboues. Répandre la bonne nouvelle n’est pas si simple, dans un monde où on risque fort de vous tenir rigueur de votre indiscrétion. Ainsi, on parle peu de la coupe, qui peine par ailleurs à être découverte avec le si petit espace qu’elle occupe sur les tablettes des pharmacies.
Dre Laroche souligne également que les habitudes propres à l’hygiène menstruelle sont souvent celles qui ont été héritées de la mère et sont difficiles à changer. Une formule qui fonctionne bien est difficile à remplacer par une autre, même si elle fonctionne mieux. Modifier une pratique, c’est prendre un risque et les règles n’inspirent pas tellement l’aventure.
Aussi, faut-il préciser que la coupe est intimidante lorsqu’on ne l’a jamais utilisée. Elle prendra, selon Sarah, de 5 à 15 minutes à être bien installée la première fois. Et après? C’est comme le vélo. Une fois que l’on comprend comment l’installer, ça se fait tout seul, en 5 secondes. Il faut seulement un peu de patience et de persévérance pour maîtriser la manœuvre. Et malgré son allure beaucoup plus imposante qu’un tampon, elle tient à mentionner que la coupe est infiniment plus confortable. En fait, elle cesse d’exister au moment où elle est mise en place. On ne la sent pas du tout. Dès lors, il faut faire un effort pour… Ne pas l’oublier!
Sarah, qui a des règles plutôt abondantes, n’a besoin de vider sa coupe que soir et matin, donc aux 12 heures. Elle la nettoie simplement sous la douche. Pour de rares femmes, il sera nécessaire de la vider pendant la journée. Encore une fois, cela se fait facilement dans une toilette et la coupe pourra être repositionnée après un simple essuyage.
Côté sécurité, Dre Laroche a fait ses recherches. Comme les tampons, la coupe, posée à l’intérieur du vagin, pourrait présenter un risque d’infection au Staphylocoque aureus, responsable du syndrome du choc toxique (SCT). Il s’agit d’un problème qui n’advient que très rarement avec les tampons et qui, malgré l’absence d’étude à grand déploiement sur le sujet, serait logiquement encore moins fréquent avec la coupe. La raison en est que la bactérie fautive, pour causer le syndrome, doit se frayer un chemin dans la circulation sanguine et que pour y arriver, elle doit pénétrer par une plaie ou une microfissure. Or, on sait que les tampons sont plus irritants que la coupe pour la muqueuse vaginale. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter. Enfin, le silicone médical qui la compose a fait la démonstration de son innocuité depuis bien longtemps.
Une aide financière bienvenue, surtout parce qu’elle permet d’en parler!
À l’instar de quelques autres municipalités, Prévost a fait le choix de financer, à raison de 50 %, l’achat de tout produit d’hygiène féminine durable. Ceci comprend, bien entendu, les serviettes et sous-vêtements menstruels lavables ainsi que les éponges en plus de la coupe menstruelle. Il faut par contre savoir que cette dernière est une option très peu coûteuse (entre 20 et 40 dollars). Beaucoup moins, en fait, que les produits jetables pour lesquelles une femme dépensera plus de 50 $ par année. Côté financier, avec ou sans aide municipale, il n’y a aucune raison de ne pas adopter la coupe. Parlons-en, usons-en, puisqu’elle existe et qu’on le sait, désormais!