Maison d’entraide de Prévost

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Des pratiques à revoir

Émilie Corbeil emilie.corbeil@journaldescitoyens.ca Au cours des derniers mois, plusieurs sources ont affirmé au Journal que la Maison d’Entraide de Prévost (MEP) vivait des moments troubles. Cet organisme de bienfaisance, enregistré depuis 1977, est certes le plus important ayant pied à Prévost.

En 2020, il déclarait des revenus totaux de plus de 271 000 $. Il est en charge de l’aide alimentaire dans la localité et, afin de financer ses activités, recueille des biens et des vêtements dans le but d’en faire la vente à petit prix au comptoir familial, à la friperie ou à l’entrepôt pour les meubles, les petits électroménagers et les équipements de sport. Ces activités de revente représentent également en elles-mêmes un service à la communauté qui participe activement à soutenir la MEP en y déposant des biens et des vêtements encore utiles. Le Journal, ayant reçu certaines informations, a recueilli de nombreux témoignages et fait enquête.

« Dehors, on entend les cris »

Plusieurs personnes ont accepté de témoigner des cris, des crises, des menaces et du langage ordurier que l’on entend parfois même de l’extérieur, dans le stationnement et dont on fait les frais les bénéficiaires de la banque alimentaire et les clients. Ces témoignages, tous corroborés, font état d’attitudes totalement inappropriées de la part du personnel. 

Un client de très longue date refuse désormais de s’y présenter seul; il tient à avoir un témoin si jamais les choses tournent au vinaigre. Plusieurs personnes qui magasinent à la Maison d’Entraide ont raconté des histoires similaires. Elles parlent de « power trip », de « control freak ». 

Des bénéficiaires de la banque alimentaire attestent avoir été victimes de chantage et du même contrôle total dont ont fait état les clients de la Maison. Certains craignent les représailles s’ils venaient à en parler : « Si on est fins, on se fait mettre des bonnes choses dans notre panier. Quand on fait pas l’affaire, on nous menace d’arrêter de nous aider ». « J’ai sérieusement pensé à arrêter d’aller chercher mon aide alimentaire et à me contenter de beurre de peanuts. Même si c’est gratuit, c’est trop cher payé pour se faire traiter de même ». 

Des plaintes et doléances, à plusieurs reprises, ont été transmises au Conseil d’administration dans la dernière année. Questionnée à ce sujet, la Présidente du Conseil, madame Micheline Lamond, a affirmé n’avoir personnellement eu connaissance que d’une seule plainte et mentionne avoir pris action. 

L’organisme est par ailleurs doté d’une politique pour contrer le harcèlement et tous les employés, comme les bénévoles, doivent signer le code de vie et s’engager à le respecter.

Des pratiques à revoir

En ce qui concerne les pratiques qui ont cours à la MEP, plusieurs témoignages ont été reçus à l’effet qu’il est courant de voir les bénévoles et employés se réserver les biens et les vêtements ayant le plus de valeur. Certains ont d’ailleurs tenu des activités de revente du matériel qu’ils ont obtenu à titre de bénévoles ou d’employés, soit dans des marchés aux puces ou sur Internet. Jusqu’à tout récemment, les bénévoles bénéficiaient de 30 % de rabais à l’achat des biens et des vêtements remis à la MEP. Selon madame Lamond, ce rabais a été aboli, mais à ce jour, les bénévoles ne sont toujours soumis à aucune limite d’achat.

Malgré que quelques bénévoles aient été remerciés pour avoir tenu des activités de revente, les informations obtenues par le Journal sont à l’effet que certains bénévoles continuent de revendre du matériel. Par ailleurs, madame Lamond a informé le Journal qu’aucune politique concernant l’achat et la revente de matériel par les employés et les bénévoles n’a été adoptée à la MEP.

Plusieurs témoins mentionnent que les belles et bonnes choses « qui ont de la valeur » sont souvent réservées et mises à l’écart avant même d’avoir atteint le plancher à la MEP. On leur colle l’étiquette « réservé à » et elles partent le jour même ou le lendemain. Le Journal, en visite anonyme à la friperie, en a été directement témoin : « Ça, tu mets ça de côté. C’est réservé à X ».

Alors qu’à la MEP, on assure au Journal que la pratique est interdite, le Journal a reçu plusieurs témoignages à l’effet que des employés et bénévoles se servent dans les denrées destinées à l’aide alimentaire. Un témoin atteste : « J’en ai moi-même reçu ». 

Aussi, plusieurs personnes ont témoigné à l’effet que lors de l’assemblée générale annuelle, on leur remettait une liste des membres qu’on les enjoignait à élire sur le CA. Un témoin spécifie que « l’Assemblée générale est constituée d’une clique de membres qui s’élisent entre eux. C’est juste n’importe quoi ». 

Les données fournies par l’organisme au gouvernement canadien sont à l’effet que les cotisations perçues des membres totalisaient 195 $ en 2019 et 190 $ en 2020. Le coût pour devenir membre à la MEP étant de 5 $, ce sont donc moins de 40 membres qui sont enregistrés. 

Il n’y a qu’une période de moins d’un mois dans l’année où il est possible de se procurer une carte de membre, entre le lundi et le jeudi, et ce directement au bureau de la coordonnatrice. Quicon-que y manque n’est pas admis à l’assemblée générale annuelle qui a normalement lieu fin octobre. Les bénéficiaires de l’aide alimentaire ne sont pas admis comme membres d’office. 

Une gouvernance à revoir

Selon plusieurs témoins, la composition du CA de l’organisme gagnerait à assurer une diversité des points de vue qui viendraient enrichir les politiques et les initiatives mises de l’avant. Ceux-ci considèrent que la MEP devrait accueillir sur son Conseil plus d’administrateurs de diverses provenances, par exemple, des employés de la MEP, des bénéficiaires de l’aide alimentaire, des membres de la communauté et de la communauté d’affaires.

Pourtant, il peut être difficile de présenter sa candidature au CA de l’organisme. En effet, on apprend des règlements généraux que toute personne désirant siéger sur le CA doit être membre en règle et déposer sa candidature au moins 30 jours avant la tenue de l’assemblée générale annuelle. Or, cela diminue la fenêtre où il est possible d’aller chercher une carte de membre. À titre d’exemple, cette année, il sera possible d’aller chercher une carte de membre entre le 21 septembre et le 15 octobre pour l’assemblée générale annuelle qui aura lieu le 26 octobre. Pour toute personne désireuse de soumettre sa candidature au Conseil d’administration, il sera toutefois obligatoire d’aller chercher une carte avant le lundi 27 septembre, ne laissant qu’une plage de quatre jours où il est possible de devenir membre à temps pour l’assemblée générale annuelle. Toute candidature doit par ailleurs être assortie d’un curriculum vitae et d’une lettre de motivation.

Par et pour la communauté ?

D’autres questionnements émergent de l’enquête menée par le Journal. On remarque que la maison s’est en quelque sorte « vidée »; On n’y trouve plus ce qu’on avait l’habitude d’y trouver. 

À la friperie, on aurait fait le choix de ne conserver que les vêtements griffés, le reste des vêtements, bien qu’en parfait état, est désormais relégué au comptoir familial. Les témoignages sont à l’effet que ce choix n’a pas été approuvé par le Conseil, mais serait plutôt le résultat de décisions qui ont été prises par des membres du personnel ou des bénévoles. Plusieurs clients jugent cette pratique négativement. Selon eux, la friperie devrait accueillir les vêtements en très bon état, peu importe leur marque de commerce, puisque ces derniers sont vendus à des prix plus élevés qu’au comptoir familial et que la MEP se prive d’une part de ses revenus en les vendant au comptoir familial. 

Il semble également que certains choix auraient été faits au détriment de l’offre de biens à la MEP. En exemple, on parle des « Legos ». Il n’y en a plus sur le plancher. Ils sont conservés ailleurs et vendus en lot à un revendeur. On se demande pourquoi les enfants de la communauté ne peuvent pas bénéficier de « Legos » à bas prix en priorité. 

Les témoignages reçus expriment la crainte que la communauté se détache de sa maison d’entraide, n’y trouvant plus ce dont elle a besoin, ni même un accueil chaleureux.

Rappelons que le Journal reste à l’écoute de la Maison et pourra témoigner des améliorations apportées.

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