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Sylvie Prévost – Venu d’Ukraine par la voie de l’Italie, venu à Prévost par le biais du maestro Michel Brousseau, le pianiste Vasyl Kotys a renversé le public.
Nous sommes privilégiés de recevoir dans notre petite salle d’aussi grands musiciens. La chose s’est encore une fois produite ce 27 octobre.
Le samedi 27 octobre 2018 : Vasyl Kotys, pianiste
Vasyl Kotys, piano. W.A. Mozart, Neuf variations en ré majeur sur un menuet de Duport, K. 573; M. Ravel, Gaspard de la nuit : Ondine, Le Gibet, Scarbo; F. Schubert, Sonate en la mineur, D. 784; S. Rachmaninov, Variations Corelli op. 42.
Le concert a débuté par une « mise en doigts » assez légère. Déjà a-t-on pu constater que l’on avait affaire à un excellent pianiste. Son jeu perlé exemplaire, la délicatesse du toucher, le travail sur le volume requis d’une main ou de l’autre… Ce n’était peut-être pas une grande œuvre, mais elle a été jouée avec tout ce qu’il faut pour la mettre en valeur et pour préparer les petites mains véloces du musicien pour la suite. Et quelle suite!
L’Ondine de Ravel ne m’a jamais parue si « poissonesque ». Délicate, scintillante, fantasque, elle a nagé de-ci de-là, puis la voilà en haute mer, toujours ravissante, jouant dans la houle profonde. Le Gibet et Scarbo – fort appropriés en cette presque veille d’Halloween, procédaient de la même magie impressionniste. Nous avons vu les corbeaux tournant au-dessus du pendu et nous avons été transportés à l’intérieur de la tête du malade, soumis à ses grincements et ses tourments.
La Sonate en la mineur de Schubert a été le plat de résistance de cette fête. C’est une œuvre un peu étrange. On a l’impression que Schubert a jeté dans une seule pièce les bases de plusieurs qu’il n’a jamais eu le temps d’écrire… comme une liste de choses dont il se promet de parler.
Le premier mouvement semble décrire le contexte dans lequel se trouve le compositeur, et il change de propos plusieurs fois, oscillant sans cesse entre la douleur, la résignation et la sérénité. Le fait que Kotys ne l’ait pas joué très vite lui a donné un certain poids qui ne dépare pas son côté mystérieux. Le second mouvement avec ses petites notes aiguës prend des allures oniriques. C’est dans le troisième, qui commence dans la légèreté de l’eau d’un ruisseau (rappelant les premières mesures de Ma Vlast de Smetana) et se poursuivant dans le charme d’une prairie ensoleillée que l’agilité et la rapidité de Kotys font merveille. Mais attention! cette vélocité reste un moyen d’expression et n’est jamais une fin en soi, ce qui tranche agréablement avec le jeu de pianistes mieux connus.
Les Variations Corelli sont un autre exercice de style, mais qui prend beaucoup plus d’ampleur que chez Mozart. Encore une fois a-t-on pu apprécier les facultés d’expression du pianiste. Une vaste gamme d’atmosphères, toute sorte de textures sonores ont achevé de nous démontrer combien M. Kotys réussit à intérioriser les intentions d’un compositeur. C’est là, je pense, l’une de ses principales qualités : sa façon de faire sienne la musique d’un autre, de la métaboliser en quelque sorte.
Vasyl Kotys fait partie de ces quelques pianistes qui semblent communiquer avec les compositeurs et avoir lié leur âme aux cordes du piano avant de s’y asseoir et de nous faire vivre des moments uniques.