À la rentrée, on piste

Journal des citoyens - Halo
Sandra Friedrich
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La chronique d’Halo

Sandra Friedrich – Vive la rentrée ! C’est formidable de planifier les cours à venir et chercher les formations qui nourriront les prochains mois. Moi, c’est assez simple tout compte fait : dormir, chasser, observer et exiger mes doses quotidiennes de pâté. Comme maître du monde, il y a bien un cursus que je vous conseillerai, chers humains : réapprenez à pister.

Le pistage c’est être attentif aux indices laissés par tous les vivants animaux, végétaux, humains. Je suis un pro du pistage : je sais à quelle heure le tamia vient sous le porche, à quel moment de la journée les geais débarquent, et surtout quand l’écureuil fait son toilettage sur la branche de l’érable d’en face. Je sais, par les intonations de voix de ma gardienne, si elle me donnera ou pas ma troisième rasade de pâté. Mon spectacle quotidien est assuré ainsi que mes apprentissages.

Cet été, je vous ai regardés, tous les jours, aveugles à ce qui se tramait de vivant autour de vous. Le contraste est ahurissant entre cette vie animale et végétale avec toute sa richesse d’un côté, et votre aveuglement de l’autre. Vous me l’accorderez, ça manque singulièrement de sensibilité !

En pistant, vous découvrirez dans votre jardin, sous votre patio tout plein de bestioles qui ont des comportements cachés, inusités, nouveaux que vous aurez à traduire et interpréter. Bien entendu, vous pourrez prendre un selfie pour  Facebook, mais si vous poussez votre apprentissage juste un peu plus loin, vous apprendrez tout plein de trucs subtils, magiques sur ces mondes et peut-être vous pourrez réinventer de nouvelles relations avec tous les êtres qui vivent chez vous. En ce sens, ça vous permettra de retisser des liens avec les formes de vie. Ce n’est pas de l’écologie du tout, c’est être au clair avec ce qui rend votre monde viable. 

Ce serait ça la plus belle école de la vie à laquelle vous pourriez vous inscrire. Marie-France Bazzo d’ailleurs a dit  : « Le projet collectif n’a plus la cote… À défaut de grands projets nationaux, nos projets sont présentement à une microéchelle. Et vous savez quoi ? Ce n’est pas plus mal pour la qualité du tissu social, qui a bien besoin d’amour »*.  

Moi je vous propose de bâtir un projet local porteur de vie : apprendre les horaires des animaux autour de vous, observer les comportements des oiseaux, écouter les chants, le sens du vent, les musiques dans les arbres. En fait, c’est réapprendre à faire attention, à brancher sa sensibilité sur la multiplicité des formes de vie qui habitent un milieu et le constituent, mais de manière discrète : la faune des sols, des airs, des sous-sols, les forêts… Et qu’en tirerez-vous ? Vous pourrez prédire le temps qu’il fera, vous pourrez préparer l’hiver en conséquence, vous pourrez vous défendre contre les projets immobiliers galopants, vous pourrez poser des questions au conseil de votre Ville muni de faits indéniables, vous pourrez vous battre et rêver de transformer vos manières de vivre et d’habiter en commun. À pister ce qui se passe dans votre gazon, vous protégerez votre carré de vie et ainsi localement participerez à des changements plus conséquents. 

* Article de Marie-France Bazzo

En l’absence d’un projet de société, les initiatives locales, à petite échelle, tissent un précieux filet de sécurité.

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