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Gleason Théberge – Au Québec, on nous impose souvent des messages traduits, et parfois présentés en anglais seulement. Données sur les produits d’alimentation, modes d’emploi d’appareils, bannières commerciales, affiches, tout nous est offert en miroir, comme si le français ne suffisait pas à nous informer. Et ces traductions, parfois ridicules mais plus souvent correctes, nous mettent en bouche des manières de dire dont ne nous ne méfions pas toujours.
Par exemple, en juxtaposant Post Office et Bureau de poste, on nous pousse à croire qu’on peut appeler office un centre de service, alors qu’en français office désigne une cérémonie religieuse ou un organisme, comme l’Office québécois de la langue française.
Or, ajoutant à la confusion, de nombreux mots anglais prenant alors un sens différent, proviennent du français. Dans le cas de post, il équivaut à notre poste, lequel dérive des postes de relais où les coursiers des grands siècles changent de cheval dans un système d’échange pressé de lettres à distance.
Aussi à cette époque, la diligence transportant des passagers apporte aussi le courrier moins urgent dans un coffre, dont nous conservons d’ailleurs le terme pour le compartiment arrière de nos voitures. Nous l’appelons aussi valise, mais ce mot désigne plutôt un bagage qu’on peut porter. À chaque arrivée à destination, lettres, colis et journaux sont remis aux personnes se rendant à ce qu’on appelle aussi une malle. C’est encore dans ce sens qu’au Québec nous disons aller à la malle, alors que l’usage en est sorti de l’usage en France. On y a pourtant repris le mail anglais, qui en provient, dans l’usage du email désignant le courrier électronique.
Il faut ensuite l’invention du fil de télégraphe pour que la communication devienne quasi instantanée avec ses télégrammes aux languettes de papier collées. Par la suite, se répand l’usage du téléphone, dont la boîte primitive comporte une manivelle donnant accès à une ligne partagée avec d’autres usagers des maisons voisines. On y parle dans un cornet, et un écouteur se décroche pour qu’on entende ce qui se dit au loin. La fusion subséquente de ces deux parties de l’appareil conduit à appeler combiné l’objet unique et déjà démodé offrant réception et envoi de propos. Mais à l’époque, quand d’autres que soi s’intéressaient aux conversations, un bruit de fond compromettait la qualité des échanges. On demandait alors à ces indiscrets de fermer leur boîte, avec plus ou moins de succès, bien sûr, mais l’expression s’est transformée en ferme ta boîte, pour simplement faire taire quelqu’un.
Depuis quelques années, protéger l’intimité de ses propos est devenue cependant plus difficile à réaliser sur internet, où plus personne n’est sûr d’une confidentialité maintenant menacée par l’universalité de la toile informatique. Au Québec, les manœuvres et les logiciels incitant au secret appartiennent désormais au frangliche, et si l’on n’y lit ni n’entend plus que rarement notre classique ferme ta boîte!, au moins, nous continuons en toute pertinence à nous rendre à la malle et nous avons le souci d’utiliser courriel au lieu du paresseux email!