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Du meilleur et du moins bon…
Sylvie Prévost – Quand on s’attaque à Jean-Sébastien Bach, à la sonate « Le Printemps » de Beethoven, à la « Sonate no 2 » de Brahms, il faut être bien ferré…
Le pianiste Tristan Longval-Gagné et la violoniste Julie Garriss ont joué ce soir-là quatre des plus belles sonates, datant d’autant d’époques différentes, dans le but avoué de démontrer l’évolution de cette forme musicale. Le programme était intéressant, mais le résultat n’a malheureusement pas été à la hauteur des espérances qu’il suscitait.
Évidemment, présenter ces œuvres en ordre chronologique est un choix logique. Les commentaires sur le développement de la sonate étaient pertinents. Il y manquait cependant une mise en contexte plus large, historique. Que recherchait-on en musique, à l’époque baroque? Comment Bach réussit-il à nous émouvoir encore? Quelle nouveauté Beethoven représentait-il, à cheval sur l’époque classique et le Romantisme? Quelle évolution du point de vue expressif Brahms a-t-il été l’illustration? Si les explications didactiques ont toute leur importance, c’est bien plus par les émotions véhiculées par les pièces que les auditeurs font l’expérience de la musique.
Le samedi 5 octobre 2019 : Duo Heneker
Tristan Longval-Gagné, piano et Julie Garriss, violon
J.-S. Bach, Sonate no 6 en mi majeur BWV 1016; L. van Beethoven, Sonate no 5 en fa majeur, op. 24; J. Brahms, Sonate no 2 en la majeur, op. 100 et Sonatensatz, Scherzo en do majeur; B. Bartók, Six danses populaires roumaines.
À ce point de vue, justement, le pianiste était tout à fait dans son élément. Solide, il a été celui qui a tout porté sur ses épaules, avec constance et brio. Il a souvent couvert le violon, toutefois. Une autre disposition des musiciens, la violoniste face au public et en avant, aurait sans doute été préférable. Les pizzicati, en particulier, étaient inaudibles.
Autant Longval-Gagné avait de la présence, autant la violoniste m’a paru se situer quelque part, dans une sorte de « no where ». Elle est restée parfaitement linéaire dans le Bach, à aucun moment son violon n’a-t-il chanté, ce qui laisse penser qu’elle trouve cette musique parfaitement ennuyeuse. Elle est restée presqu’aussi neutre dans le Beethoven. J’ai eu l’impression qu’elle a commencé à vraiment jouer dans le Brahms. C’est un peu tard.
C’était peut-être un mauvais soir, cela arrive; elle était peut-être très nerveuse; son superbe violon, prêt de Canimex, qui choisit soigneusement ses bénéficiaires, était peut-être une acquisition récente… Il demeure que toutes ses interprétations manquaient de dimension verticale, de ce plus qu’un véritable interprète doit développer une fois ses notes apprises. Il y a pire : elle a fait preuve d’une justesse plus qu’approximative et d’un sens du rythme par moment chaotique.
Quand on se mesure à des œuvres célèbres, interprétées par les plus grands musiciens, il faut être mieux aguerri et savoir mordre avec résolution dans la pâte sonore pour y laisser la trace de ses dents. Pourquoi jouer ces pièces si ce n’est pas pour y exprimer les émotions que le compositeur y a versées ainsi que celles qu’on ressent en les entendant?
Bien du travail en perspective, donc, pour ce duo aux fortes ambitions.